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jeudi 29 décembre 2016

Le ciné-club de Potzina: Samourai cop, formidaube!




Lorsque Rose Prune du blog La Chambre Rose et noire, pour le dernier Ciné-club de Potzina, a proposé le thème "Plaisir coupable", je n'ai pu m'empêcher d'afficher un large sourire. Les plaisirs coupables cinématographiques, j'en fais la collec! J'en ai plein la DVDthèque et je m'y voues sans vergogne et sans vraiment de culpabilité. Autant dire que cette fois-ci encore, j'avais masse de choix entre ma passion pour les teen movies, ma gourmandise pour le masala, mon amour pour la grosse comédie US, mon penchant pour le gore, et mon appétit pour les nanards, ou encore ma relation amour-haine avec le cinéma d'Eric Rohmer (un jour, faites-moi penser de vous sortir ma grande théorie basée sur "Rohmer, c'est comme Hélène et les garçons").

(Pour rappel, si tu sais pas ce qu'est le ciné-club de Potzina, tout est ici. On est gentils, on aime bien bien qu'on nous conseille plein de films, et on attend avec impatience que toi, bloggueur ciné, tu nous rejoignes!)

Du coup, j'ai décidé de partager avec vous mon plaisir coupable préféré, la chose filmique la plus whatthefuck du monde, le plus grand de tous les nanards: Samouraï Cop.



Avant d'être le film culte qu'il est devenu aujourd'hui, Samouraï Cop, plus qu'un plaisir coupable, était un plaisir d'initié. Il y avait le cercle secret des gens qui avaient vu Samourai cop et qui en possédait une copie. Pour cela, il fallait entrer dans le cercle et posséder les bases: un lecteur VHS (parce que le film ne tournait que sous ce format là), un certain goût pour les mauvais films, et des abdos à toutes épreuves (la première vision, en particulier, déclenche souvent chez le spectateur non averti des crises de fous rires qui peuvent être fatales à des zygomatiques peu entraînés). Pour moi, et pour mes potes, l'initiation s'est faite grâce à Guillaume, mon coloc de l'an 2000, qui nous a fait entrer dans ce monde incroyable, et que je ne remercierais jamais assez. Comme tout rite d'initiation, la chambre était sombre, le climat lourd, le téléviseur au centre de nos dévotions. Nous avons commencé par observer une jacquette de la plus haute qualité esthétique (qui s'avérera n'avoir strictement rien à voir avec ledit film) puis le lecteur a englouti la K7 (putain, toute une époque), et, après une série de bande-annonces René Château Video (non mais putain, quelle époque) déjà pas piqué des vers, nous avons tous eu l'illumination, convertis en 96 minutes. Depuis, nous sommes tous devenus des missionnaires et, comme tous ceux qui ont eu la VHS sous la main, nous l'avons montré à autant de gens que possible. Alors si tu te poses des questions sur ta raison de vivre dans ce monde de fou, si tu t'interroges sur les origines de l'humanité, si tu cherche la réponse à LA question et que tu n'as toujours pas vu Samourai Cop, suis-moi: ta vie va changer!

Ta vie va changer, parce que déjà, au lieu de poser des questions existentielles auxquelles tu n'auras jamais de réponse, tu vas te poser des questions pas forcément existentielles auxquelles tu n'auras peut-être jamais de réponse non plus (sauf si tu vas voir la formidable interview de Matt Hannon, mais attention, ne la voit pas avant le film, ça va gâcher ton expérience mystique!):
- Comment ce film a-t-il pu un jour exister?
- Qu'est-ce que c'est que ces perruques?
- Mais qu'allaient-ils faire dans cette galère?
- C'est quoi leur drogue?
- Mais c'est pas un faux-raccord, ça?
- Tu peux mettre sur pause? J'en peux plus là!
- C'est quoi un katana?
- Comment donner une impression de vitesse aux courses-poursuites et aux bastons?
- C'est quoi cette tête de lion?
- Mais sérieux??????



En fait, je me dis qu'il ne faut pas vous en dire trop finalement sur ce film, je dois vous laisser la surprise pour que vous en profitiez pleinement, sachez seulement ceci: Samourai cop, c'est l'histoire de Joe Marshall, un flic trop super entrainé aux arts martiaux, qui va s'opposer au gang Katana du vilain Fujiyama. Avec son pote et collègue Franck qui rigole pour rien, il va mener une enquête sans concession et rencontrer la belle Jennifer.



C'est délicieusement mauvais, c'est du nanard de haute volée, y'a de la violence pouet pouet, du sexe beurk, du cul et beaucoup de culte. Célébrez-le avec moi, à la sortie de l'église, en maillot de bain avec un gâteau d'anniversaire. Aujourd'hui, le film existe en DVD et on peut enfin se le procurer sans avoir de lecteur VHS: sing Allelujah!






jeudi 22 décembre 2016

Les Grands mythes: si l'on est prêt à s'en laisser conter



Grâce à Cinétrafic, j'ai découvert en DVD la série Les grands mythes, proposée par François Busnel à Arte.

A la base, j'avoue avoir été assez séduite par l'idée, qui m'intéressait beaucoup, et ce pour plusieurs raisons:

- Le sujet. Comme tous ceux qui aiment qu'on leur raconte des histoires, j'ai été fascinée dès ma plus tendre enfance par les diverses mythologies. Comme pas mal de gamins de ma génération, tout a probablement commencé très tôt avec la télé, justement, et un beau roux barbu perdu dans l'espace à bord de son vaisseau, et accompagné d'un équipage maudit et d'un robot nommé Nono. Ouais, je crois que ma première rencontre avec Homère et l'Odyssée, les dieux grecs et la tragédie, c'était à travers Ulysse 31. A partir de ce moment-là, j'ai goulûment avalé tout ce qui avait trait à la mythologie grecque, puis aux autres, des Egyptiens aux Aztèques en passant par les Nordiques. Et surtout j'ai bu avidement les paroles de professeurs zélés qui savaient si bien transformer leur cours en veillées de contes et nous passionner pour ces histoires éternelles d'amour, de famille, de guerre et de jalousies. Avec les mythes (comme avec les contes), on découvrait nos premiers récits d'horreur (Chronos mangeant ses enfants restera toujours une terrible découverte), nos premiers récits érotiques (les métamorphoses de Zeus pour séduire ses nombreuses maîtresses), et les petits vicelards que nous étions pouvions sans culpabilité se fasciner pour ces mythes parfois merveilleux, parfois drôles, mais souvent sacrément injustes et violents. Et avec eux, comme tant d'autres avant nous, et tant d'autres après, nous avons grandi.
Ici, la note d'intention de Busnel est intéressante: revenir aux mythes originels, les grecs, avant qu'ils ne s'édulcore un peu avec la culture romaine, beaucoup avec la culture chrétienne. "Ainsi, [nous dit-il,] les mythes grecs furent-ils vidés de leur violence, de leur âpreté, de leur noirceur, de cette culture primitive et souterraine qui les caractérise, mais surtout de la liberté de penser qu'ils proposaient...". Et ce choix-là ne pouvait que me plaire.

- François Busnel. Comme beaucoup j'imagine, j'apprécie plutôt l'émission La Grande librairie qu'il anime sur France 5. Et je pense qu'il y est pour beaucoup: sa passion, son envie de partager, son érudition, tout cela était pour moi un gage de qualité, tout comme la production par Arte.

- Une série animée. Alors oui, y'a peut-être quelque chose de la gamine fan d'Ulysse 31 derrière ça, mais le fait que ce soit une série animée me plaisait. D'autant plus que c'était de l'animation 2D en silhouettes, vous savez, celle qui donne l'impression de voir un spectacle d'ombres chinoises, comme le maîtrise si bien Michel Ocelot. Cela me semblait parfaitement adapté pour parler des mythes, de leur origine primitive, de les imaginer racontés dans une veillée, les ombres se détachant sur les murs, les ténèbres tout autour.

Bref, a priori, cette série avait tout pour me plaire.



Hélas, j'ai été très déçue, au point de ne regarder que le premier volume du coffret et d'abandonner au premier quart du parcours. Pour moi, cette série présente de nombreux problèmes, la plupart ayant trait plus à la forme qu'au contenu (celui-ci fonctionne depuis des millénaires, et fonctionnera encore bien longtemps). Pour moi, il y a là un vrai souci, parce que je pense que cela a été conçu par des gens amoureux de leur sujet, mais qui avaient malheureusement peu d'ambition à en faire un véritable objet d'image et de son.

Commençons par l'image: j'ai été séduite de prime abord par l'idée de l'animation 2D en silhouettes et je continue à penser que c'était une très bonne idée de départ. Le souci, c'est que personnellement, j'ai beaucoup de mal à considérer cette série comme une série d'animation. D'abord parce que de l'animation, il y en a très peu et elle est assez basique: des mouvements souvent répétitifs, des formes qui le sont aussi, des zooms fréquents pour donner une impression de mouvement. On est parfois à la limite de l'animation flash de films institutionnels. L'autre souci, c'est que l'animation en silhouette est un exercice très exigeant: les ombres, pouvant se confondre les unes et les autres, notamment pour les personnages, se doivent d'être bien identifiées. Et pour moi, le travail, en particulier sur la personnification graphique des personnages à ce niveau n'était pas assez important.

L'autre élément visuel utilisé pour la série, ce sont des oeuvres d'art de l'Antiquité à nos jours, ce qui en soi est une excellente idée: on pourrait les analyser, les introduire, faire connaître aussi une part de notre histoire de l'art. Le problème, c'est qu'elles n'ont, comme tous autres éléments visuels de la série, qu'une valeur illustrative. Et c'est bien là que se situerait mon principal grief envers la série: les images n'ont pas de rôle narratif. Si l'on coupait le son, bien malin celui qui saurait imaginer correctement le récit délivré par la bande-son.

Avec la bande sonore, les soucis sont moins flagrants mais ils existent cependant. La voie choisie est celle du conte par une seule voix, ce qui ne pose aucun souci à la base. Le problème, c'est que lorsqu'on parle de conte, et que l'on met en scène un conteur, il ne faut pas oublier une chose primordiale: l'oralité. Ici, la voix devient vite monocorde, pas à mon avis à cause de son émetteur, mais bien à cause de l'écriture. Parce que oui, on sent bien qu'un littéraire est derrière cela, parce que les mots sont ciselés, et qu'il y a un style indéniable, mais que c'est un style écrit. Un conteur doit être un magicien de la langue parlée, il doit lui apporter sa voix, sa rondeur, ses accents, ses expressions. C'est une des choses étranges avec le Français: la voix et la main ne parlent pas toujours la même langue, surtout lorsqu'il s'agit de raconter une histoire. Et la pesanteur de cette voix n'est pas aidée par la bande-son qui manque beaucoup de texture au mixage et pâtit d'une musique très répétitive.

Et tout cela, c'est dommage, parce que derrière tout ça, il y a quelque chose de formidable. Les plus beaux récits du monde (en terme de scénario, peut-on faire mieux qu'un mythe?) et effectivement, un véritable talent d'écriture. Je crois que finalement, mon plus grand regret est celui-ci: j'ai eu autant de mal à voir cette série que j'aurais eu de plaisir à la lire. En revanche, je pense que cela peut avoir énormément de succès à ceux qui porte moins d'intérêt à la forme filmique. Et je pense que pour ceux qui, disons-le, n'attendent pas cela de la série, mais qui sont à la recherche d'un objet littéraire de qualité sur support d'image et de son, ce coffret aura tout à fait sa place au pied du sapin.



Le DVD
Edité par Arte TV (qui a aussi sa page Facebook) et sorti le 9 novembre, le coffret comprend 4 dvd de 5 épisodes et 2h10 chacun. Il est accompagné d'un livret répertoriant une préface de François Busnel, la généalogie des dieux et  le guide des épisodes.

Sur cinétrafic, vous trouverez également tous les films de 2017 à découvrir et les nouveaux films à paraître.



vendredi 16 décembre 2016

The Stone Roses: made of stones, Manchester reunited



Grâce au site Cinétrafic (où vous pouvez trouver tous les films que vous cherchez), j'ai découvert en DVD le documentaire The Stone Roses, Made of stones, du réalisateur britannique Shane Meadows (surtout connu chez nous pour le film et la série This is England). Comme son nom l'indique, ce film porte sur le groupe Macunien The Stone Roses, figure importante du mouvement Madchester (avec les Happy Mondays).

J'avoue que j'étais plutôt curieuse de découvrir ce film. D'abord, j'aime plutôt vraiment bien les Stone Roses, même si je dois dire que je ne partage pas pour autant l'engouement hardcore de très nombreux fans britanniques qui se damneraient pour un concert du groupe. Il est vrai que comme beaucoup de groupes mancuniens (de Manchester, donc), ils ont réussi à créer une véritable légende. Comme les Smiths, ils ont un chanteur charismatique (même si perso, je trouve que Morrissey a plus de style que Ian Brown - team chemise ouverte et brushing à la James Dean contre team baggy et coupe de playmobil). Comme Oasis, ils sont aussi connus pour leurs guéguerres intestines et leur franc-parler "lad" que pour la délicatesse de leurs compositions. Comme leurs rivaux les Happy Mondays, ils se sont plusieurs fois séparés et quelquefois retrouvés. Et comme la plupart de tous ces groupes, ils ont réussi à créer une véritable horde de fans, bien au-delà des frontières de cette charmante bourgade ouvrière. Sauf que eux ont réussit à le faire en seulement deux albums ( j'ai presque envie de dire un seul album, tant The Stone Roses, l'album de 1989 est mythique).



J'étais donc bien contente de recevoir ce DVD, surtout que c'est un documentaire du presque Mancunien Shane Meadows, qui avait déjà déclaré son amour au rock anglais dans le film et la série This is England. Quand on a proposé à ce dernier de suivre les Stone Roses lors de leur dernière reformation, en bon fan qu'il est, il ne s'est pas fait prier, voyant là l'occasion de réparer une lourde erreur de jeunesse. En effet, lors d'une nuit brumeuse (et pas seulement à cause du temps britannique), il avait, dans un geste (stupide) de panache, donné sa place pour un concert du groupe et n'avait depuis jamais eu l'occasion de le voir sur scène. Ce film, c'est donc la concrétisation d'un rêve de gosse, d'un fan du groupe, et c'est l'angle principal du documentaire (Remarquez que le formidable rockumentaire Anvil! sur le groupe éponyme partait du même principe pour obtenir un des meilleurs docu de ces dernières années). Et cet angle c'est à la fois la force et la faiblesse de Made of Stone.

La force, parce que Shane Meadows fait "son" film de fan. Il n'hésite pas à se filmer, à utiliser parfois la première personne, et sa joie de gamin est assez communicative. Il faut voir son sourire le jour où, pour la première fois, il est convié à une répète de son groupe préféré. On aimerait être à sa place et, grâce à son film, on y est un peu. Mais Shane Meadows n'est pas le seul fan qu'on verra dans le film. Il consacre généreusement son film à tous les autres fans du groupe, notamment grâce à une très jolie séquence qu'il place au milieu du documentaire. Pour leur reformation, Les Stone Roses propose de faire un concert "rien que pour les fans" au Warrington Parr Hall. Le concert est gratuit et accessible pour quiconque vient avec une "relique" prouvant qu'il est bien un adorateur du groupe (t-shirt officiel, place d'ancien concert, album...) et les premiers arrivés sont les premiers servis. Shane Meadows filme la horde de fans quittant tout, travail et enfants, pour revoir leurs idoles se reformer. Il interroge des gens complètement différents qui lui explique ce que les Stone Roses signifient pour eux. La scène, si elle est un peu longue, est assez attendrissante et témoigne de l'histoire d'amour éternelle entre les Anglais et la musique.



L'autre gros point fort de ce documentaire, c'est justement la musique. Pour tous ceux qui aiment les Stone Roses, il y a de très beaux moments. J'ai particulièrement aimé que les répétitions soient filmées. Dans les répétitions, on voit toujours un peu la magie de l'essence de la musique. Comment elle se crée, dans quelle ambiance. Et là, ce sont de vrais petits moments de bonheur: les Stone Roses ont l'air heureux de retrouver leurs instruments, de se refaire la main sur leurs tubes. Ils semblent même avoir composé de nouveaux morceaux (dont on n'entendra malheureusement jamais rien). Il y a aussi de très belles scènes de concert, en particulier celui du Warrington Parr Hall qui célèbre les retrouvailles réjouissantes entre le groupe et son public. Shane Meadows filme aussi le point de basculement "tragique" de son film: un concert à Amsterdam qui tourne court. La séquence est simple et efficace: une scène nue, un micro sans rien derrière et les huées du public déçu, puis le retour sur scène de Ian Brown pour annoncer que Reni, le batteur, a quitté la salle, en profitant pour lui balancer une petite insulte. La suite, c'est une tournée annulée et une énième séparation du groupe. Shane Meadows, avec délicatesse, ne va pas chercher à remuer la mouise en ces temps difficiles et prend un peu de distance avec le groupe, mais cette scène suffit à comprendre beaucoup.


Le point faible découle justement peut-être de cette délicatesse, de ce trop grand respect pour le groupe en tant que fan. Shane Meadows ne veut surtout pas brusquer le groupe, les déranger et filme vraiment à hauteur de fan. Deux problèmes en découlent. Le premier, c'est que cela manque de distance critique. Bien évidemment, Meadows n'est pas là pour critiquer la musique ou l'attitude des Stone Roses, mais quand le documentaire tourne à l'hagiographie, voire au produit dérivé, ça devient un peu gênant.

L'autre souci, c'est que le film manque de ce qui est souvent primordial dans un documentaire: un scénario. Souvent, on s'imagine que parce qu'il y a documentaire, il n'y a pas de scénario. C'est une idée reçue. Bien sûr, il est différent de celui de la fiction, parce qu'il peut évoluer jusqu'au montage final, mais un documentaire se doit tout de même de nous raconter une histoire. Lorsqu'on fait un documentaire, on doit partir avec une idée de ce que cette histoire va être, une intention, disons, même si ce que l'on filme nous permet finalement de découvrir une histoire complètement différente, ce qui est souvent la très bonne surprise d'un documentaire (si vous voulez voir un modèle du genre, je vous conseille vivement An Honest Liar). Mais ici, il semble que la seule intention de Meadows, ce soit d'être payé pour suivre un groupe qu'il aime beaucoup en tournée, et ramener son film de vacances. C'est un peu dommage, parce que ça manque vraiment de récit. Et c'est pour moi là que le bas blesse. Parce que si le film a un vrai intérêt musical (aussi bien les fans que les néophytes pourront s'en foutre plein les tympans), autant j'avoue ne pas lui trouver d'intérêt cinématographique, et c'est bien dommage, parce qu'un groupe aussi mythique que les Stone Roses méritait bien sa mythologie filmée.

Le DVD

Edité par Les films du Paradoxe, et sorti le 15 novembre 2016, le DVD bénéficie d'une jolie pochette cartonnée et d'une bonne qualité sonore (indispensable dans ce cas précis).
Pour les bonus, on est plutôt gâtés, surtout si on est fan des Stone Roses, puisqu'il y en a 1h30: des prises en répètes qu'on ne voit pas dans le film, des moments de concerts inédits, une avant première un peu moins intéressante mais où on apprend que le plus beau moment du producteur était le concert à Fourvière (Lyon) où les spectateurs lançaient leur coussinets sur scène (et là, petite fierté locale).

Outre ce docu, vous trouverez toutes les sorties dvd et vod du moment sur Cinétrafic.






jeudi 15 décembre 2016

Le BGB: GACMÉ

Source: Metropolitan Filmexport

Grâce au site Cinétrafic, j'ai découvert en DVD le dernier film de Steven Spielberg, un réalisateur de films emblématiques: Le BGG. Ici, tonton Stevie s'essaie à deux exercices périlleux: celui de l'animation de personnages en 3D et celui de l'adaptation d'une œuvre très célèbre de Roald Dahl, l'écrivain préféré des enfants et des cinéastes, Le Bon Gros Géant. Un défi qui ne fait pas peur au papa de Dreamworks, ni à celui qui a adapté d'autres romanciers à succès comme Crichton ou Morpurgo.

Comme beaucoup, j'imagine, mon enfance a été bercée par les romans de Roald Dahl. Je les ai pratiquement tous lu, et j'avais une grosse préférence pour Sacrées sorcières et le Bon Gros Géant. Il y avait là-dedans tout ce dont peut rêver une gamine avide d'histoires: du merveilleux, du rêve mêlé à un monde tout à fait quotidien, foisons de jeux de mots, de l'humour parfois pipicacaprout (le plus fendard à l'école primaire, comme en atteste le succès toujours vivace de Toto), des illustrations super sympas par Roald himself, qui savait si bien croquer les nez biscornus des sorcières, des aventures et des barres de rire en masse. Roald Dahl, c'était aussi une de mes premières initiations à la culture britannique: on y retrouvait souvent Londres, la reine, le thé. Quant au Bon Gros Géant en particulier, je l'ai lu plusieurs fois, sans que cela ne devienne moins amusant, découvrant à chaque lecture de nouvelles raisons de rire et de m'émerveiller. Du coup, comme souvent quand on aime beaucoup un livre, j'avais un peu peur que Steven Spielberg, malgré son talent pour les films familiaux, ne me gâche ces fabuleux souvenirs par une adaptation mal foutue, et je ne pouvais m'empêcher d'avoir quelques appréhensions. Mais quand Cinétrafic m'a proposé de le découvrir, j'ai quand même sauté sur l'occasion trop belle de retrouver ce Bon Gros Géant, curieuse de voir ce que Spielberg avait pu en faire.

Source: Metropolitan Filmexport


Pour ceux qui seraient passé à côté, (et dans ce cas là, que vous décidiez ou non de voir le film, je vous conseille vivement la lecture du roman de Roald Dahl), Le Bon Gros Géant raconte la rencontre, une nuit, d'une petite orpheline, Sophie et dudit géant, qui au départ ne semble pas si bon que ça, puisqu'il enlève la gamine sans lui demander son avis. Mais Sophie se rend vite compte qu'il s'intéresse bien plus à tromper sa solitude que sa faim, puisqu'il ne se nourrit presque exclusivement de schnockombres (comme des concombres, en vachement moins ragoûtant). Il deviennent donc amis et c'est ainsi que le géant obtient son titre de BGG. Sophie découvre le métier de chasseur et insuffleur de rêves de son copains grand format, mais fait aussi la rencontre effrayante de ses compatriotes du pays des géants, à l'appétit nettement moins végétarien.

Je dois dire que dans l'ensemble, même si je garde quelques réserves, j'ai été assez charmée du résultat. D'abord parce que j'ai trouvé que l'univers de Rald Dahl était plutôt bien respecté (et c'était une crainte majeure pour moi de voir le king du ciné US dénaturer l'empereur de la littérature enfantine UK). Le géant, interprété par un Mark Rylance boosté aux images de synthèse ressemble parfaitement au grand monsieur dégingandé à grandes oreilles des illustrations du livre. On a vraiment l'impression de le retrouver tel qu'on l'avait quitté. Et en plus, il a une voix! Et quelle voix: un bel accent du sud ouest britannique, bien rural, qui écorche joliment les mots pour en faire des vraies petites œuvres d'art. Parce que oui, on retrouve avec bonheur la langue de Dahl: le frétibulle (frobscottle), les crépiprout (whizzpopping), les hommes de terre (human beans), on se délecte toujours du vocabulaire savourieux (scrumdiddlyumptious) du BGG. A mon avis, l'esprit de Roald Dahl est respecté et le film délivre parfaitement la truculence de son style.

Source: Metropolitan Filmexport


Plastiquement, c'est du Spielberg: du très bel ouvrage dans l'ensemble, en particulier sur les éléments animés. Je ne suis pas certaine que tout vieillira très bien, en particulier les scènes avec les autres géants, mais il y a quelques très belles images, notamment dès qu'on touche à la représentation des rêves. La séquence où le BGG initie Sophie à la châsse au rêve est un véritable modèle du genre: du merveilleux, de l'émouvant et un peu d'épouvante, tout ça avec de simple bulles évanescentes et tourbillonnantes. Bref, globalement, c'est du lourd, une machine bien huilée à injections de John Williams, c'est drôle et tout à fait divertissant pour tous.

Côté interprétation, ça vaut plutôt le détour, pour Mark Rylance, campe un adorable géant, mais surtout pour la très bonne surprise du film, Penelope Wilton, qui après avoir interprété le plus chouette des premiers ministres dans Dr Who (Harriet Jones, Prime minister!), ne se voit confier rien moins que le rôle de la reine. Et elle est, comme à son habitude, irrésistible. Quant à la jeune Ruby Barnhill, qui interprète Sophie, elle est tout à fait à l'aise dans ce rôle de la gamine trop mûre pour son âge. Elle est parfois un peu irritante, mais après tout, c'est aussi le cas de son personnage, donc cela fonctionne plutôt bien.

Source: Metropolitan Filmexport

S'il est bourré de qualité, ce BGG a cependant quelques défauts, surtout au niveau du rythme. Je trouve qu'il a, contrairement à son héros rectiligne, quelques creux et un gros ventre mou. Si l'enchaînement des aventures de Sophie et du BGG fonctionnent très bien à l'écrit, ramassé sur un film, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, des changements de rythmes pas toujours évidents à tenir qui empèsent un peu le film. Et puis, c'est souvent mon problème avec Spielberg, si je reconnais que c'est un très bon réalisateur, efficace et minutieux, je trouve qu'il manque parfois d'une "patte". Et si je n'ai jamais vu un mauvais film de Spielberg, je n'ai jamais été complètement soufflée par ce film (à part peut être pour Munich). Mais rien de bien grave ici, parce que l'ensemble reste de très bonne facture et qu'en ce qui me concerne, j'ai pris pas mal de plaisir à le voir.

Le DVD
Le DVD est sorti le 1er décembre en France et édité par Metropolitan Filmexport.N'ayant reçu qu'une copie destinée à la distribution, sans pochette et sans bonus, il m'est difficile de juger l'objet à sa juste valeur.








mercredi 30 novembre 2016

Le ciné-club de Potzina: Agora: what we need in times like this



Le ciné-club de Potzina de ce mois-ci, hébergé par le blog Bouquins de poche en poche avait ce mois-ci pour thème "Lumière d'Artiste" pour réchauffer notre mois de novembre. Je me suis longtemps interrogée sur ce que j'allais choisir, sur ce que représentait la lumière pour moi en cinéma, mais aussi et surtout sur ce qu'elle représentait pour moi dans la vie. Et puis j'ai aussi pensé aux Lumières avec un grand L. Et je me suis dit que s'il y avait une lumière qui m'était importante, qui me réchauffait particulièrement, une étoile que je voulais toujours voir brûler, un phare à la lumière duquel je voudrais toujours pouvoir me guider, une étincelle que je voudrais sans cesse voir s'embraser, c'était la lumière de l'esprit. Et que je ne pouvais pas envisager un monde sans elle, un monde obscur et froid, une nuit sans fin. Et là, ça m'est venu comme une illumination, il y a un film dont j'avais absolument envie de vous parler (c'est d'ailleurs dingue que je ne l'ai pas encore fait tant ce film me remue l'intérieur, des tripes aux méninges), un film qui se perd malheureusement souvent parmi les autres, comme une petite étoile parmi tant d'autres dans un beau ciel de juillet, mais dont la lueur m'attire inexorablement: le très beau Agora, d'Alejandro Aménàbar.

Pour rappel, le ciné-club de Potzina, c'est un ciné-club entre bloggueurs avec, tous les mois un bloggueur qui héberge l'évènement et propose un thème pour lequel chaque bloggueur peut proposer un film.  Pour plus d'infos et pour participer, n'hésitez pas à vous rendre sur notre groupe Facebook, on a envie de voir plein de propositions de films fleurir sur la blogosphère...

Revenons donc à Agora. C'est donc un film présenté hors compétition au festival de Cannes 2009 où il n'avait pas reçu un accueil très chaleureux. Après redécoupage et remontage, il est sorti en salles plusieurs mois plus tard où l'accueil critique a été un peu plus agréable, mais où il a été un peu boudé des spectateurs (dont moi, puisque je suis une grosse têtue qui avait décidé qu'elle n'aimait pas trop Aménabàr et que j'ai attendu le DVD). En même temps, le sujet n'était peut être pas propre à ameuter les foules.

Tout commence sur terre, en Egypte, à Alexandrie, au IVème siècle de notre ère. Alexandrie fait alors partie de l'Empire Romain et le christianisme commence à gagner la ferveur de nombreux habitants, en particulier les plus pauvres et les esclaves qui y trouvent la possibilité de se libérer du joug romain. C'est ici que Hypatie (Rachel Weisz), fille de Théon (Michael Lonsdale), gardien de la grande bibliothèque. Hypatie est philosophe, mathématicienne et physicienne, et enseigne dans sa propre école. Hypatie attire toutes les convoitises: celle du riche patricien Oreste (Oscar Isaac), mais aussi celle de son esclave converti au christianisme, Davus (Max Minghella). C'est une jeune femme farouchement attachée à la science et à sa liberté, qui a une influence extraordinaire dans une cité telle que celle-là. Mais la révolte chrétienne gronde, et Alexandrie s'apprête à changer de visage: Hypatie va-t-elle pouvoir poursuivre ses recherches?


Et puisqu'on parle de lumière aujourd'hui, je vous propose d'allumer, avec ce film, une myriade de lueurs:

1. Un cast plein d'étoiles
On commence avec un très très beau casting. La plus lumineuse, évidemment, étant la magnifique Rachel Weisz. Je dois le dire tout de suite, je ne suis absolument pas objective sur ce point. J'ai un gros faible pour Rachel Weisz. Déjà, c'est une femme sublime, d'une beauté à la fois sophistiquée et naturelle, avec un truc en plus, du chien quoi. Et c'est une actrice que je ne cesse d'admirer. A chaque fois, je la trouve juste et convaincante. Elle n'a pas besoin d'en faire des caisses et réussit à m'émouvoir, même dans des seconds rôles. Je voudrais la voir tellement plus souvent au cinéma, elle le mériterait amplement. Et là, comme à son habitude, elle est parfaite. Elle est complètement à la hauteur de son personnage exceptionnel, cette scientifique passionnée par son travail, cette femme inaccessible et parfois cruelle sans le vouloir, farouchement libre, jusqu'au bout. Sur le papier, on n'a déjà pas besoin de grand-chose pour tomber amoureux de l'héroïne. Quand c'est Rachel Weisz qui l'endosse, on ne peut alors plus s'en empêcher.
Rachel Weisz est ici plutôt bien entourée. Dans le rôle de son père, Théon, Michael Lonsdale. Il n'a pas un très grand rôle, mais c'est toujours un bonheur de le voir, et surtout d'entendre sa voix. Max Minghella est parfait dans le rôle difficile de Davus, le jeune esclave chrétien aussi épris de sa maîtresse que de sa foi, tiraillé entre le savoir que sa position sociale lui refuse et la spiritualité qui lui permet d'être libre. C'est un très beau personnage et le jeune acteur s'en empare pleinement. Je ne l'ai pas revu depuis dans un rôle de premier ordre, et c'est bien dommage, parce qu'on sent qu'il en a sous le capot (en plus, il est beau comme un jeune Mark Ruffalo). Oscar Isaac est très à l'aise dans l'attitude désinvolte de latin lover d'Oreste, partagé entre son amour et son ambition, les compromis et l'intégrité. Face à lui, d'autres dents rayent le parquet, autrement plus incisives, celles de l'évèque Cyrille, interprété par un Sami Samir qui fait froid dans le dos. Mais ça n'est rien à côté de l'effrayant et illuminé Ammonius à qui Ashraf Bahrom prête sa vraie gueule de cinéma: ce type a une présence hypnotique et terrifiante, et ce rôle de fanatique lui va comme un gant.



2. La lumière d'Alejandro Amenabar et de Xavi Gimenez (directeur de la photographie)

A la base j'aimais pas trop Amenabàr. Rien de viscéral, mais Abre los Ojos m'avait énervée avec son scénario à tiroirs, un copain m'a spoilé The Others en devinant la fin dès le premier quart d'heure du film, Tesis ne m'avait pas plus intéressée que ça. Bref, j'en pensais pas foncièrement du mal, mais je ne pensais pas qu'un jour je serais soufflée par son talent.
Mais ça, c'était avant Agora. Ici, le fond épouse parfaitement la forme, et le film pourrait tout à fait fonctionner s'il était muet. Et c'est en grande partie grâce à son merveilleux directeur de la photographie, Xavi Gimenez.
La première chose qui choque dans ce film, c'est son point de vue. On a l'habitude de suivre des films du point de vue des personnages. Ici, ça n'est pas le cas. Dès la première image du film (la planète terre), on sait que le point de vue n'est pas humain, il n'est même pas terrien. Allez-vous me prendre pour une folle mystique si je vous disais qu'Agora est le premier film cosmique que je vois? Alors je sais, je vous vois sourire derrière vos écran, et si je n'avais pas vu plusieurs fois ce film, je ferais de même. Mais je vous assure que c'est le cas. Attention, je n'utilise pas le terme cosmique à la manière d'un Sylvain Durif. Je ne parle pas d'un cosmos vaguement new age, qui veut tout dire. Non, quand je parle du cosmos de l'âge antique au contraire, celui de l'origine étymologique, l'idée que les grecs se faisaient d'un univers fini et ordonné. Le choix de l'inclinaison des plans, par exemple, le montre bien: très souvent, nous sommes en contre plongée, parfois extrêmes ou en plongée totale.



Et cela a un effet très particulier, une chose que je n'avais jamais ressentie au cinéma: cela crée une vraie distance avec le récit, qui permet de mettre les faits et les personnages en perspective par rapport à l'immédiateté des émotions. On est souvent détourné de l'action pour s'attacher à quelque chose de plus grand, de plus fort. Par exemple, lors des contre-plongées, si l'on voit les conflits des personnages rivés au sol, notre regard est tout de même attiré vers le bleu du ciel ou les ténèbres d'un ciel étoilé. Et c'est encore plus fort dans les plongées. Plusieurs fois, on s'élève au-dessus de la foule, en particulier pendant les scènes de violence assez extrêmes. La caméra dézoome jusqu'à ce que les humains se transforment en fourmis agitées décrivant des cercles au sol. L'effet est amplifié par une accélération de l'image et de la piste son. Les cris horribles des femmes et des enfants s'effacent sous les bruits de pas accélérés et amplifiés, et toute cette agitation nous semble loin tout à coup, si loin. On a alors l'impression de se détacher totalement de l'émotion de la scène pour la regarder d'un œil presque curieux et scientifique. Nous adoptons là le point de vue de l'univers, qui en a vu de bien pires, et pour qui les actions des hommes et leur simple présence devient insignifiante.
C'est à la fois grisant, et d'une terrible fatalité. Voir les hommes se massacrer comme ça, de loin, en fait quelque chose d'insignifiant mais aussi de banal, à l'échelle du temps et de l'espace. Ces conflits ne résolvent rien. Pire, ils ne sont que voués à se répéter jusqu'à ce que les fourmis que nous sommes cessent d'exister: cela fait partie, semble-t-il de notre comportement naturel. Il est d'ailleurs à noter que la métaphore est soulignée par un premier plan sur des fourmis qui s'élargit sur Alexandrie par la suite.



Et bien évidemment, dans un peplum, on ne peut pas ne pas penser à l'autre regard que peut signifier ce point de vue. Parce qu'ici nous sommes clairement dans une tragédie dont on a tous les éléments: les héros tiraillés entre l'amour (d'une femme, de la science) et le devoir (religieux, politique), la faute originelle (pour Hypatie, l'injustice envers Davus, qui prend la décision de se révolter lorsqu'elle le traite d'idiot, pour Davus, la tentative de viol de sa maîtresse, pour Oreste, son ambition qui lui fait accepter tous les compromis), et bien évidemment, cela se termine mal pour tout le monde, en particulier pour l'héroïne qui, selon le bon vieux principe Aristotélicien, est sacrifiée pour que nous en tirions une bonne leçon (et aussi parce que ça a vraiment été le cas d'Hypatie, qui est un personnage historique aussi réel qu'Oreste et Cyril et dont le sort a été bien pire que celui dont l'accable Aménabàr). Et comme dans toute bonne tragédie, on a l'impression que les hommes ne sont que des jouets au mains des dieux qui s'amusent à les voir se déchirer pour eux. On a donc parfois l'impression que la caméra d'Amenàbar est situé au sommet de l'Olympe, parmi les dieux qui jouent aux soldats de plomb.
Ce regard peut sembler très cruel, mais il met en perspective beaucoup de choses, notamment l'aspect de l'émotion frontale. Nous n'avons plus uniquement un point de vue compassionnel avec les êtres différentiés, mais on nous pousse à avoir une perspective plus globale. Ainsi, l'incendie d'une bibliothèque (une scène absolument terrible du film) prend autant, sinon plus de poids que les destins individuels.

3. La lumière de l'esprit
Vous l'aurez compris, Agora se met clairement du côté de la science, de l'esprit scientifique animé par le doute, de la curiosité, contre l'obscurantisme, en particulier l'obscurantisme religieux. Et ça, en des temps où nous sommes, et d'autres temps où nous avons été, je trouve toujours ça bénéfique.
D'abord on suit de près la quète d'Hypatie l'astronome, qui est de savoir comment s'effectuent les rotations de la terre par rapport au soleil et quel sont les mouvements des astres. Comme tous les antiques, elle cherchent la perfection dans la figure du cercle, puis d'une autre figure proche qui va être la révélation du film. Pour ceux qui aiment voir les films plusieurs fois, vous remarquerez que la réponse que cherche Hypathie est sous son nez très régulièrement, ainsi que sous le nôtre, puisqu'Aménabàr s'amuse souvent à le mettre au premier plan. Et cette figure est un motif incessant dans le film, on retrouve d'abord le cercle à de nombreux moments (dans les ouvertures des atriums, dans les mouvements de foule en plongée), puis ce cercle va légèrement se transformer après la révélation.
Il y a d'abord la lumière par excellence, le cercle fascinant du soleil. Il est, dès le départ, au centre du film (comme à celui de l'univers). Il est même au centre du titre du film au générique, dans le O d'Agora (vous pouvez également le voir sur l'affiche). Dans Agora, on semble toujours voguer entre deux extrêmes: un soleil mordant, soulignant les ocres d'Alexandrie, reconstituée pour le tournage à Malte et de l'autre côté, la nuit profonde que seules viennent perturber les étoiles. Quoiqu'il en soit, on ressent la même fascination (en particulier, à nouveau, grâce aux plans en extrème-contre plongée) d'Hypatie face au phénomènes célestes. Comme elle, nous ressentons le besoin de dévoiler ne serait-ce qu'un peu le mystère du ciel. Et la volonté de comprendre à tout prix ce qui se passe là-haut semble être un véritable mouvement d'aspiration vers le haut, la véritable et puissante élévation de l'homme, celle de l'esprit par la connaissance.



Parce que ce film, c'est avant tout le film de la lutte du savoir et de la liberté contre l'obscurantisme buté, et souvent religieux, qui tente de remodeler la terre à son bon vouloir, que ce soit le cercle parfait des grecs ou le monde fini et défini par Dieu des chrétiens, ou même le couvercle de marmite d'un des personnages. C'est celui de ceux qui doivent douter et se remettre en question s'ils veulent atteindre la vérité, contre ceux qui ne doutent jamais. Et c'est ici, aussi, comme cela l'a pratiquement toujours été dans l'histoire, le combat d'une femme qui, à partir du moment où on lui découvre un tant soit peu de pouvoir et d'insoumission, est accusé de sorcellerie (ou de sa version moderne, la folie). Et moi, à l'heure où le créationnisme prend un poids de plus en plus instauré dans un des pays les plus développé du monde, où l'on châtie les femmes pour ne pas se soumettre aux ordres religieux, où des groupes religieux tentent d'empêcher qu'on apprenne aux petites filles qu'elles pourront, quand elles seront grandes, être l'égal des hommes, faire le métier dont elles rêvent, pour le même salaire, un film comme celui-ci, ça me touche à un point incroyable (même après plusieurs visions, la puissance lacrymale de ce film est d'ailleurs toujours aussi intense pour moi).
Alors, effectivement, même si le film est profondément triste, parce que très fataliste (le fait même que le monde d'Hypatie nous rappelle un peu trop le nôtre est la preuve qu'on n'évolue pas autant qu'on le voudrait, et que rien n'est jamais acquis quand un savoir millénaire peut disparaitre en quelques heures par la barbarie d'une poignée), ce film démontre avec un courage assez impressionnant - par sa forme, par son propos, par son multiculturalisme (le casting réunit allègrement des gens de tous pays et de toutes confession - la force de la pensée.
En espérant que la lumière de la connaissance nous éclairera encore quelques temps et que nous ne la laisserons pas s'étioler, je vous laisse avec le dialogue qui a inspiré mon titre, et qui résonne si bien aujourd'hui:

Hypathie se trouve face au dignitaire Heladius, qui lui demande de se justifier sur son agnosticisme (le dialogue est en anglais, je le garde en VO):
"Heladius Dignitary: Why should this assembly accept the council of someone who admittedly believes in absolutely nothing?
Hypatia: I believe in philosophy.
Heladius Dignitary (sarcastic): Philosophy? Just what we need in times like these!"
 
 



mardi 15 novembre 2016

Mel et Jenny: Mi-Mel, Mi-guel

Source: site Outplay


Les Editions Outplay, spécialisés dans le cinéma LGBT mais pas que m'ont fait la surprise (et l'honneur) de me faire parvenir 2 DVDs récemment sortis. Je vous avais déjà parlé du torride Vies brulées, je vous parle aujourd'hui de Mel et Jenny, un joli film allemand de Nana Neul.

Alors voilà, Mel est une jeune femme androgyne dont la vie n'est pas des plus trépidantes. Elle vit avec son père et son frère dans la ferme familiale et bosse dans une usine agro-alimentaire qui produit des plateaux-repas pour des avions dans lesquels elle rêve de monter. Puis elle va faire 2 rencontres: celle de Nuno, un jeune Portugais au charme irrésistible et Jenny, une toute jeune fille pour laquelle elle succombe au coup de foudre. Elle va se servir du premier pour créer un personnage qu'elle endossera pour séduire la seconde: Miguel. Mais il n'est pas plus facile d'être Mel que de devenir Miguel...
Source: site Outplay


Ce film de 2008 est le premier film de Nana Neul, qui en a réalisé depuis un second. Elle est également scénariste de Mel et Jenny. Et je dois dire que pour un galop d'essai, cela n'a rien de honteux, loin de là. Nana Neul (j'adore son nom, par ailleurs, c'est un vrai bonheur à dire à haute voix, essayez, vous verrez) a la bonne idée de choisir une histoire à sa mesure, de l'exploiter correctement, de construire de jolis personnages et surtout de créer de beaux moments d'émotion et de cinéma. Ca a l'air de rien comme ça, mais c'est déjà pas si mal.

Alors oui, y'a des petits défauts dans ce film mais franchement rien de bien méchant: un petit creux par ci, une petite longueur par là, une ellipse de trop de ce côté, un mélange des genres pas toujours totalement maîtrisé de l'autre... Mais rien qui n'empêche la compréhension du récit ou l'attachement aux personnages.

Source: site Outplay

En revanche, plein de qualités. La première, c'est que Nana Neul vise juste: pas trop haut, pas trop bas, à la hauteur des ses moyens financiers et de son récit. Elle n'essaie pas d'en faire trop et parvient à maintenir un bel équilibre. Le récit est concentré sur quelques personnages, une petite ville où l'on se connait vite, une période de récit assez courte (quelques semaines, au plus) et une durée assez courte pour un long métrage (1h30). Tout tient la route et est cohérent: le réalisme des personnages, les situations, l'ambiance chromatique douce et légèrement froide, le côté comédie romantique, le drame. Personnellement, j'ai cru à cette histoire et je me suis véritablement laissée émouvoir.

Et si j'y ai autant cru, c'est surtout grâce aux interprètes, et particulièrement à la très impressionnante Anjorka Strechel qui joue Mel. Elle apporte une très belle grâce à son personnage ambigu et surtout beaucoup d'émotions. On sent chez elle l'excitation liée au premier amour, l'horizon qui s'ouvre soudain loin de l'étriquée ferme familiale, son mélange de naïveté et de persévérance dans la petite moue de sa mâchoire inférieure et la manière d'arrondir ses robustes épaules. On pense un peu, bien évidemment au personnage que jouait Hilary Swank dans Boys Don't Cry, mais il a quelque chose de beaucoup plus lumineux, de plus doux, moins tragique et désespéré. C'est effectivement une jeune femme en recherche d'elle-même, qui souffre de ces questionnements, mais est assez audacieuse pour les dépasser, elle a quelque chose de plus pétillant et espiègle.

Source: site Outplay


Face à elle, la jeune Lucie Hollman fait preuve d'une belle vivacité. Ensemble, elles forment un très joli couple. On aime leur relation tendre et complice, leurs rires et on en oublie presque leur écart d'âge. Et il y a aussi Manuel Cortez, Nuno, avec qui Mel lie une très belle amitié. Les rapports entre ces deux personnages est peut-être la dimension qui m'a le plus touchée dans le film. On sens chez Nuno des secrets, une fêlure, qui fait qu'il finit par s'attacher à cette gamine qui n'en fait qu'à sa tête, prête à se perdre dans la fiction. J'aime beaucoup comment cette complicité se construit peu à peu, dans des regards, dans des non-dits, dans des rivalités.

Source: site Outplay


Nana Neul réussit donc, avec peu de moyen mais beaucoup d'investissement (là est tout la différence) un film très doux, dont on sort un peu triste, très nostalgique, mais avec une belle lueur d'espoir pour l'avenir.







mercredi 9 novembre 2016

Captain Fantastic: Away Viggo



Ca faisait un sacré bout de temps que je n'étais pas allée au cinéma. Et là, ces derniers temps, compte tenu d'un gros trop-plein de stress, d'excitation et de je-sais-plus-où-donner-de-la-tête (parce que, pour la petite histoire, Girlie Cinéphilie prépare un changement de ville et aime pas les déménagements et démarches administratives), il était nécessaire, à la limite du vital, de me ressourcer dans une salle obscure. Et j'avais choisi ce qui me semblait le film parfait pour ça: Captain Fantastic, un film familial sur le changement, l'aventure et l'apprentissage.

Captain Fantastic raconte donc l'histoire d'une famille singulière, celle des Cash. Les Cash habitent au fin fond d'une forêt où ils ont créé leur petit coin de paradis. C'est ainsi qu'ils ont choisi de vivre: à l'écart du monde contemporain, selon leurs propres valeurs, et c'est ainsi qu'ils ont aussi décidé d'élever leur six enfants. Les Cash, ils pourraient être des survivalistes, mais ils sont trop de gauche. Ils pourraient être amish, mais ils sont trop athées et préfèrent fêter un Noam Chomsky Day que Noël. Ils pourraient être anarchistes, mais ils ont foi dans la constitution américaine. Ils pourraient être vegans, ou rawistes, mais ils chassent à l'arme blanche. Ils pourraient être hippies, mais ils aiment les Guns and Roses. Ils pourraient être anti-sciences et technologies, mais ils discutent physique quantique au coin du feu. Bref, les Cash, c'est juste un homme et une femme, qui ont décidé de tout plaquer, leur famille, leurs gros diplômes, leur max de flouze et leur carrière pour aller élever leurs gamins loin de tout, et pouvoir mettre en pratique toutes leurs théories éducatives. Mais tout n'est pas aussi rose que dans leur utopie, puisque Mme Cash souffre de bipolarité, est internée et finit pas mettre fin à ses jours. Ben Cash se retrouve donc seul avec ses enfants et lorsqu'il appelle ses beaux-parents, on lui fait comprendre qu'il n'est pas le bienvenu à l'enterrement de sa femme. Contre toute attente, il se lance quand même avec ses enfants dans le voyage, ce qui va permettre à ces derniers de découvrir un monde qu'ils ne connaissent pas, le nôtre.



Et bien voilà un film qui m'avait séduite dès la bande-annonce, et qui m'a donné très très envie: un film indépendant sur une famille hors-norme, Viggo Mortensen dans un rôle plus lumineux et original que d'habitude (même s'il ne peut pas s'empêcher d'ouvrir les portes avec panache, il y peut rien, c'est plus fort que lui, Viggo, il lui faut sa scène d'ouverture de porte qui tabasse), un sujet ô combien intéressant quand le monde qui nous entoure ne nous inspire qu'une chanson de Björk (Toi lecteur, tu viendras te cacher avec moi?), une tribu de jeunes comédiens apparemment assez époustouflants, une ambiance à la fois drôle et émouvante. J'en attendais donc pas mal, j'en attendais peut être trop. Et j'ai été un peu déçue.

Sur certains points, cependant, le film a totalement répondu à mes attentes. Déjà côté interprétation. Clairement, je pense que c'est le point fort de ce long-métrage qui a la chance d'avoir des comédiens complètement impliqués et sacrément talentueux quelque soit leur âge. Il y a Viggo Mortensen, bien évidemment, qui profite largement de l'opportunité qui lui est donnée de jouer un rôle un peu moins monolitique pour nous montrer tout ce qu'il sait faire. Et laissez-moi vous dire que sa palette d'acteur est aussi colorée que son costume d'enterrement dans le film (oui oui, celui qu'on voit sur l'affiche). Il apporte au personnage une ambiguité qui manque un peu à l'écriture, je trouve, mais il est surtout drôle, enthousiasmant, émouvant et parfois sacrément énervant. Quant aux six gamins, ils sont tous formidables et de même, je trouve que leur simple présence et interprétation apporte beaucoup aux personnages écrits (vous allez le comprendre, c'est surtout sur l'écriture que j'ai de grosses réserves). Donc, comme ils le méritent, on va tous les citer. D'abord Georges Mc Kay, dans le rôle de Bo, l'ainé, impressionnant d'équilibre (dans tous les sens du terme) et de maturité, adorable dans sa soif de découvrir le monde et l'amour, très émouvant. On a déjà vu ce jeune britannique dans Pride et je crois pas me tromper beaucoup en disant qu'on le reverra sûrement souvent dans les années à venir. La jolie Samantha Isler joue la douce Kielyr, tout en nuance, et nous fait profiter d'un très beau filet de voix sur une reprise de Sweet Child of Mine qui m'a un peu fait fondre (bon forcément, si on me prend par les Guns...). Annalise Basso, qui joue l'athlétique Vespyr est tout simplement solaire, elle irradie complètement, ça change des films d'horreur dans lesquels on est habitués à la voir. Nicolas Hamilton, qui a obtenu le rôle peut-être le plus difficile de la fratrie s'en sort très bien en jeune révolté. Je crois que c'est vraiment le personnage que j'ai préféré dans ce film, peut être parce que c'était celui que je trouvais le plus et mieux écrit, le moins caricatural, et le plus réaliste. Et je crois vraiment que la prestation du jeune acteur n'y est pas pour rien. Enfin, les jeunes Shree Cooks et Charlie Shotwell sont absolument adorables. Malheureusement, leur rôle n'a pas beaucoup d'autre fonction que de présenter des gosses "cromignons", mais on sent qu'il y a un chouette potentiel et qu'ils s'amusent bien.



Côté image et mise en scène, pas grand chose à reprocher non plus, bien au contraire. La lumière est très belle et lumineuse, et met parfaitement en valeur les paysages des grandes forêts américaines. Il y a même des choses que je trouve visuellement très intéressantes. Par exemple, j'aime beaucoup la manière de figurer le souvenir de sa femme pour le personnage principal, je l'ai trouvée vraiment belle et émouvante, même si pas complètement originale. Elle lui apparaît dans ses rêves, penchée au-dessus de lui. Elle est un peu flou,toujours un peu incomplète dans le plan, comme un souvenir qui s'efface doucement, accompagné de toute la douleur qu'il y a à ne pouvoir rendre cette image précise et enfin tangible. C'est d'une simplicité folle, mais c'est dans des moments comme celui-ci que je trouve le film le plus fort: dans des petits moments de grâce, souvent oniriques, qui touchent profondément. Et j'ai d'autant plus été déçue par ce qui va suivre que ces moments-là ont vraiment fonctionné sur moi.

Parce qu'il y a, pour moi, un vrai problème dans l'écriture de ce scénario qui, je vais le dire comme je le pense, est bâclé. Je sais que c'est une critique dure pour un premier film, mais ça m'a vraiment gâché tout le film. Parce que moi, j'avais envie de les aimer ces Cash, j'avais envie de m'embarquer avec eux, mais à force de leur rendre les choses trop faciles, et à manquer à mon avis d'équilibre, j'ai fini par les trouver un peu énervants. Je comprend tout à fait cette envie du scénariste de vouloir défendre le mode de vie des Cash (même si perso, je trouve qu'un modèle d'éducation où les enfants sont coupés du monde est très discutable). Mais pour montrer combien ce mode de vie, même s'il a ses inconvénients (notamment en matière de sécurité), est super, on le mets face à un mode d'éducation qui se veut celui de la société actuelle. Bref, pour montrer combien les enfants Cash sont mignons, intelligents, matures et bien élevés, on les mets face à 2 têtes à claques décérébrées et méchantes, ou à une très bonne famille très coincée qui refuse que leur gendre et leurs petits-enfants viennent à l'enterrement de leur fille. Déjà, je trouve que c'est tout à fait limite au niveau déontologique. En gros, élever des enfants se situent entre 2 extrêmes: le faire isolés dans une forêt en développant leur capacités physiques et intellectuelles, au mépris des règles de sécurité, ou les surchoyer dans un environnement urbain en les abrutissant. Ah si, il propose un autre mode de vie en fin de film, qui lui aussi est un extrême, puisqu'il correspond à une sorte de mythe éternel du pionnier américain, dans une ferme où les enfants effectuent leurs taches avant de prendre le petit déjeuner, dans un silence complet et en révisant leurs devoirs, un sourire de béatitude aux lèvres (J'y crois à mort). Personnellement, je ne connais pratiquement pas autour de moi de famille qui correspondent à ces 3 modes de vie. Et je trouve réellement dommage qu'il n'y ait pas un seul personnage pour représenter un mode de vie qui sache prendre en compte les problématiques du monde moderne ET des valeurs humaines. Ca, c'est le premier point qui m'embête beaucoup.



Mais un deuxième point me dérange beaucoup, beaucoup plus, a à voir avec les conflits des personnages principaux et leurs résolutions. Il y là pour moi un vrai problème, voire une vraie paresse d'écriture. Il n'y a rien que je déteste plus dans un récit qu'un ex machina. Un deus ex machina, c'est le truc d'illusionniste qu'on utilise dans un récit pour sortir "comme par magie" les personnages du conflit dans lequel on les a plongés. Le meilleur ou plutôt le pire exemple de la manœuvre étant le fameux et allergène (en ce qui me concerne) "mais tout ceci n'était qu'un rêve". Le héros est dans la merdouille la plus complète, il va y passer, ainsi que toute sa famille et le reste du monde... mais heureusement, cut, et il se réveille en sursaut: tout ceci n'était qu'un rêve. Moi ça me donne à tous les coups envie de choper le scénariste et de lui infliger un sévère bourre-pif pour avoir perdu mon temps. Bien heureusement, Matt Ross, qui a écrit et réalisé le film (j'ai toujours tendance à penser que faire les 2 pour son premier film, ça paraît beaucoup), ne pousse pas le film jusque là. Mais il aime tellement ses personnages qu'il ne veut surtout pas les faire souffrir et multiplie les incohérences lors des résolutions de conflits.

Bien évidemment, je vais étayer mon propos par des exemples, mais je dois vous prévenir en préambule:

ATTENTION DIVULGACHÂGE

- Deus ex machina 1: le premier chagrin d'amour de Bo
Bo, l'ainé, tombe pour la première fois amoureux d'une fille dans un trailer park. C'est la première fois qu'il embrasse une fille, il est transporté, il s'agenouille devant sa mère et la demande en mariage. Les deux donzelles partent en fou rire. Ecrasé et foulé au sol, se dit-on du petit cœur tout neuf du jeune Bo. Rendez-vous compte: le premier amour, le premier chagrin d'amour, la première humiliation amoureuse, IL VOULAIT L'EPOUSER, bordel! Bah non, il se rase juste la tête pour montrer qu'il est devenu grand, il n'écrase cependant pas une larme (parce que c'est un homme, et qu'un homme ça pleure pas, ça affronte l'adversité), et on en entend plus parler jusqu'à la fin du film. Je veux bien qu'il soit philosophe, mais à ce point là, j'avoue que c'en est limite inquiétant. Youpi!

- Deus ex machina 2: la chute de Vespyr
En voulant enlever son frère retenu de son propre gré chez ses grands-parents, Vespyr, guidée par sa famille, escalade le toit de la grand propriété familiale de ceux-ci. Manque de pot, une tuile s'échappe, Vespyr avec, et elle tombe au sol. On la retrouve à l'hôpital où un médecin nous explique bien qu'elle était à 2 doigts de mourir, mais que grâce à sa vaillante constitution, elle a survécu. Voilà, facile, cela permet une remise en question du papa, et la jeune fille peut ressortir de l'hôpital tout de suite, plâtrée des pieds à la tête mais le sourire aux lèvres. Aura-t-elle quelque séquelle après ça? Non, aucune, youplala!

- Deus ex machina 3: Rellian le rebelle
Rellian en veut à mort à son père, parce qu'il est persuadé (pas complètement à tort) que ce dernier a une part de responsabilité dans le suicide de sa mère. Son père s'excuse et verse quelques larmes, se remet un peu en question, ça suffit au gamin pour oublier sa colère et son trauma. Youplaboum!

- Deus ex machina 4: les grands-parents
Soyons clairs, les opposants principaux de Ben Cash sont ses beaux-parents plein aux as, qui le tiennent pour responsable du suicide de leur fille et s'inquiète pour leurs petits-enfants. Ils ont apparemment assez butés et ils ont décidé d'employer des voies légales et une armada d'avocats pour avoir leur garde. A un moment, on a l'impression qu'ils vont l'avoir, mais les enfants fuguent pour rejoindre leur père. Et puis? Et puis c'est tout! Ben retrouve ses enfants, décide de faire des concessions et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. On entend plus parler des grands-parents qui ont visiblement découvert comme par magie que leur gendre était un père parfait et qu'ils n'avaient pas à intervenir après ce qui est ni plus ni moins qu'un enlèvement. Youplalère!

Voilà, tout cela vous explique pourquoi j'ai eu du mal avec ce film qui aurait pourtant pu me séduire. Parce que oui, ces personnages sont intéressants et très sympathiques, mais à trop les aimer, Matt Ross fait une erreur que n'aurait pas fait Ben Cash avec ses enfants: il les surprotège, il leur rend la vie un peu trop facile et les empêche de réellement s'envoler. C'est bien dommage!

samedi 5 novembre 2016

La loi de la jungle: Apagogie now!

©2015 RECTANGLE PRODUCTIONS – FRANCE 3 CINEMA – ORANGE STUDIO – SCOPE PICTURES – IMAV EDITIONS

Grâce au site Cinétrafic (chez qui on peut facilement s'enquérir des films de l'année prochaine), j'ai découvert en DVD le film La loi de la jungle, d'Antonin Pertejatko. J'en avais un peu entendu parler, en mal comme en bien, mais comme le simple pitch me faisais marrer, je me suis dit que ça devrait plutôt me convenir: "Marc Châtaigne, stagiaire au Ministère de la Norme, est envoyé en Guyane pour la mise aux normes européennes du chantier GUYANEIGE : première piste de ski indoor d’Amazonie destinée à relancer le tourisme en Guyane. De mésaventure en mésaventure, on lui affuble un coéquipier. Pas de chance c’est une pin-up. Pire : elle a du caractère."

Vous vous interrogez peut-être sur la signification de ce mot étrange dans mon titre. Rassurez-vous, je l'ai découvert y'a pas moins de 5 minutes sur Wikipédia (oui, je sais, un mythe s'effondre, en vrai, je ne suis pas la fille cachée de Bernard Pivot). Sachez donc que l'apagogie, mes petits amis, c'est un raisonnement par l'absurde. Et bien La Loi de Jungle, c'est exactement ça. C'est un film qui nous parle de notre petit monde tout pourri actuel en nous envoyant bivouaquer au fin fond de l'Amazonie dans une histoire complètement foutraque et délicieusement désuète.

©2015 RECTANGLE PRODUCTIONS – FRANCE 3 CINEMA – ORANGE STUDIO – SCOPE PICTURES – IMAV EDITIONS


Imaginez un monde où les gens restent stagiaires au-delà de la quarantaine, un monde où l'on construit des pistes de ski dans un endroit qui n'a jamais vu un flocon de neige, où des projets colossaux sont abandonnés avant même d'avoir commencé grâce à des actionnaires versatiles, où personne n'est compétent pour son métier, parce qu'il a été débarqué là par le hasard des décisions gouvernementales, où certaines attitudes néocolonialistes nous feraient presque penser que l'esprit OSS 117 ne s'est pas cantonné aux années 60. Ça vous paraît fou et en même temps tout à fait familier? C'est normal, c'est l'univers de La loi de la Jungle, qui ressemble comme un mauvais rêve à celui dans lequel on vit.

Sauf que le monde de ce film, il a au moins le bon goût d'être drôle, mais alors vraiment vraiment drôle. Et ça, c'était une excellente surprise à laquelle je ne m'attendais pas. J'ai ri, plusieurs fois, à gorge déployée. J'ai ri jusqu'à en avoir les yeux humides. J'ai ri jusqu'à en devoir utiliser le bouton pause de mon lecteur DVD.  J'ai ri à l'absurde, j'ai ri au burlesque, j'ai ri aux dialogues, j'ai ri un peu triste, j'ai ri au sexe impulsif, j'ai ri aux bons souvenirs. Sans pouvoir m'en empêcher, parfois contre moi-même, jusqu'à avoir mal aux joues et au ventre. Et je me suis dit que j'avais été bien idiote de le rater au cinéma.


©2015 RECTANGLE PRODUCTIONS – FRANCE 3 CINEMA – ORANGE STUDIO – SCOPE PICTURES – IMAV EDITIONS

Donc premier bon point, j'ai trouvé le film drôle et pas bête dans sa n'importenawakité. Ensuite, il faut quand même que je vous parle de cinéma, parce qu'on est quand même là pour ça. Non content d'être un scénariste vraiment original, Antonin Pertejatko est aussi un metteur en scène très inventif. C'est d'abord un excellent 'faiseur d'images", la simple scène du générique du début, nous montrant une immense statue de Marianne survolant la forêt vierge en hélico, nous en convainc très rapidement.

Dans ce film, on est sans cesse surpris, même par la mise en scène, qui participe allègrement à l'humour de ce film. D'abord il faut dire qu'il a instauré un rythme très particulier: on est sur du 22/22.5 images par seconde en tournage, soit un léger effet d'accélération sur les images et les voix, qui donne un rendu très burlesque. Ça a l'air de rien, comme ça, chez nous on a même mis un certain temps avant de s'en rendre compte, mais ça marche du tonnerre. Après, il y a une minutie dans le cadrage et la construction de plan constante, qui permet d'insérer des gags en deuxième ou troisième plan, ce que je trouve toujours assez sympatoche parce que ça me rappelle tonton Tati (et que ça m'étonnerait à peine que ce soit une influence majeure de Pertejatko). Y'a même de la facétie dans le montage, j'en veux pour preuve des jump-cuts sur Jean-Luc Bideau aussi hilarants qu'inattendus.

©2015 RECTANGLE PRODUCTIONS – FRANCE 3 CINEMA – ORANGE STUDIO – SCOPE PICTURES – IMAV EDITIONS

Et puis voilà, La loi de la Jungle c'est aussi un film qui fleure bon la comédie d'aventure made in France de L'Homme de Rio à la Chèvre, qui, s'il va plus loin dans l'absurde, a aussi une dimension réaliste assez impressionnante. Et là, on peut notamment souligner le travail des acteurs qui se sont donnés à fond. Marcher dans l'eau croupie et la boue en short? Check! Risquer sa vie dans les rapides? Check! Manger des gros vers blancs? Check! Le tout réalisé sans trucage. Et ouais, Vilama Pons et Vincent Maccaigne en aventuriers de l'extrême, ça paraissait pas évident, comme ça, ben en fait, ils sont bougrement impressionnants. D'autant plus qu'une véritable place est laissée aux éléments naturels, et que Pertejatko prend son temps pour nous montrer les merveilles ou les horreurs que recèle la jungle. Et on n'est pas ici uniquement dans le plan de coupe exotique, la nature a vraiment un rôle à jouer. Quand un serpent englouti une souris, on sent l'allégorie de notre jungle sociale à nous. La luciole posée sur l'épaule de Vimala Pons la transforme en jolie fée sylvestre.

©2015 RECTANGLE PRODUCTIONS – FRANCE 3 CINEMA – ORANGE STUDIO – SCOPE PICTURES – IMAV EDITIONS


Et puis bon, parce que je vais éviter de faire trop long, je vous jette en vrac plein d'autres raisons de voir le film:

- un casting comptant Matthieu Amalric, Pascal Légitimus et Thomas de Pourquery, c'est possible? Ben oui!
- Vimala Pons! Je ne sais pas comment on ne peut pas tomber amoureux de cette fille.
- Un BO comptant Kosma, Rameau et Jean-Michel Jarre, c'est possible? Ben oui!
- Le ministère de la norme
- Une bagarre à la Hill/Spencer
- Les personnages principaux s'appellent Châtaigne et Tarzan
- Des répliques cultes ("Saloperie de nature!")


Le DVD

Sorti le 18 octobre 2016 et édité par Diaphana, ce DVD présente dans l'ensemble, une belle qualité d'image et de son. Encore une fois, ne cherchez pas de réglage si tout est un peu accéléré: c'est fait exprès!

Des bonus très sympas:
- Documentaire court sur le tournage/making off: où l'on découvre avec fascination que Vimala Pons peut manger des vers, et ce sur plusieurs prises et que la productrice du film n'a peur de rien.
- Un bestiaire: parce que oui, on voit plein de bébètes dans le film qu'on sait pas comment elles s'appellent. Ben maintenant, on sait!
- La bande annonce: bonus classique, mais qu'on est quand même content d'avoir
- Des scènes coupées, qui sont tout de même sympas.












jeudi 27 octobre 2016

Le Cinéclub de Potzina: The Nanny: l'anti-Poppins


Pour le ciné-club de Potzina de ce mois-ci, hébergé par le blog La Chambre rose et noire avait ce mois-ci pour thème halloweenien "Horreur". Autant vous dire que pour moi, c'était du pain maudit, et que je ne me suis pas fait invoquée bien longtemps pour chercher le film adéquat.

Pour rappel, le ciné-club de Potzina, c'est un ciné-club entre bloggueurs avec, tous les mois un bloggueur qui héberge l'évènement et propose un thème pour lequel chaque bloggueur peut proposer un film.  Pour plus d'infos et pour participer, n'hésitez pas à vous rendre sur notre groupe Facebook, on a envie de voir plein de propositions de films fleurir sur la blogosphère...

Comme je le disais, je me suis tout de suite attelée à trouver le bon film. J'en avais de nombreux en tête, mais j'ai décidé de me diriger vers un film un peu moins récent et un peu moins connu, que j'ai trouvé tout à fait adapté à un petit lundi soir d'Halloween très classique, sous les plaids, avec un chocolat chaud, allumé à la réverbération de l'écran en noir et blanc, pour frissonner de plaisir devant une des plus grandes dame du cinéma, Madâaame Bette Davis. Le film que je vous propose, c'est The Nanny (Confessions à un cadavre, dans le pauvre titre français), une production Hammer réalisé par le britannique Seth Holt en 1965.



Le film commence ainsi: Le jeune Joey revient dans sa famille d'un pensionnat apparemment spécial. On ne peut pas dire que l'ambiance soit au beau fixe: Papa passe son temps à bosser et à fumer des cigares, ayant assez peu de temps à consacrer à son fils, Maman est en totale dépression et passe ses journées à pleurer et à prendre des somnifères. De plus, Joey a un sens de l'humour particulièrement morbide et semble avoir une sacrée dent contre la nurse de la famille, "Nanny", qui fait pourtant tout pour le mettre à l'aise... Ca cache quelque chose...

Avant tout, petit avertissement: si vous vous attendez à de l'hémoglobine, des zombies, des vampires et de la rigolade, détrompez-vous. Là, pas d'effet grand-guignolesques, pas de caméra qui tremble, pas de jump-scare et de de long cheveux mouillés qui trainent. Non, ici, on entre au cœur de l'angoisse, aux tréfonds de l'horreur, au supercore de l'épouvante: dans l'ignominie de la psychée humaine. Oubliez Dracula, oubliez la créature de Frankenstein, oubliez les piranhas et Freddy Krueger. Rien de fantastique ici, que du possible, que du probable et c'est bien ça qui fait le plus peur.

Entre Joey l'enfant un peu diabolique et la glaçante Nanny, on ne sait lequel des deux est le plus à craindre. Nous voilà enfermés dans cette famille anxiogène et endeuillée et on ne se sent pas du tout, mais alors pas du tout en sécurité. On cherche partout un peu d'air frais, une baisse de tension, une petite pause, mais c'est peine perdue. Vous avez déjà vécue une réunion de famille ultra glauque où chacun regarde son assiette et rumine contre son voisin? Ben dites-vous bien que c'était la famille Ingalls à côté de celle-là. La tension domestique est palpable dans chaque parole, mais surtout dans chaque silence, dans chaque geste fait, mais surtout dans chaque geste réprimé, dans chaque regard dirigé, mais surtout dans chaque regard évité.



Et c'est de là que vient la peur, dans le fait qu'au sein-même du foyer, de l'endroit qui devrait être le plus rassurant au monde, la mort, le crime et les secrets rodent. Et l'on comprend très vite que la mort a déjà frappé cette maison bourgeoise et parfaite en apparence, et qu'elle s'est attaqué à un enfant. On voit alors combien cette famille est bancale: des parents incapables de protéger leur progéniture, une nurse dont l'emprise sur la maison est sourde mais implacable, un gosse inquiétant qu'il semble bien difficile d'apaiser. L'épouvante s'installe là, dans les repères perdus, dans l'inconsistance de la seule chose qu'on pense acquise: la sécurité et la douceur du foyer. Au dessus de tout ça, probablement la plus grande des peur primale, et la plus déchirante: celle de l'abandon. Quand je vous disais que ça fait pas rigoler!

Sinon, à la réalisation, c'est Seth Holt, et on sent bien qu'on est dans le milieu des années 60, qui osent tout: des plans audacieux, des effets visuels psychédéliques, qui donnent un bon coup de peps à une histoire qui fleure bon le classique gothique (après tout, on est chez la Hammer): on pense notamment beaucoup à l'indétronâble Tour d'Ecrou d'Henri James, dont Les Innocents en est sans doute la plus belle adaptation, et un peu aussi à The Servant de Joseph Losey, réalisé un an plutôt. On fait voler en éclat la bonne famille british et bourgeoise, et ça craque de partout.

Et là où on se fait plaisir, c'est vraiment sur l'interprétation. Wendy Craig (qui jouait déjà une bourgeoise dans The Servant, tiens-donc...) est une mère sous prozac parfaitement insupportable de passivité, Jill Bennet tient parfaitement son office de Scream Queen, et le jeune William Dix apporte à son rôle toute la duplicité nécessaire à nous faire douter de lui. Et puis, il y a Bette Davis: la voix aigüe et éraillée de Bette Davis, les grands yeux de Bette Davis (et maintenant, vous avez la chanson de Kim Carnes dans la tête pour la journée, mouhahah), la douceur, la fragilité, l'intransigeance et la grandeur de Miss Bette Davis qui bouffent tout le film. Elle est (et elle l'est toujours) magistrale.

Alors cet Halloween, laissez tomber Joséphine, la MacPhee et Mary Poppins, et confiez les enfants à The Nanny, ils ne vous remercieront pas...






lundi 24 octobre 2016

Vies brûlées: el tango de la muerte



Les Editions Outplay, spécialisés dans le cinéma LGBT mais pas que m'ont fait la surprise (et l'honneur) de me faire parvenir 2 DVDs récemment sortis. Parmi eux, Vies brûlées, un film sorti en 2001 de Marcelo Pineyro.

Comme je le disais, ce film était plutôt une surprise. Je n'en avais jamais entendu parler et au vu de l'affiche et du synopsis, je ne savais pas trop à quoi m'attendre. D'un côté, certains éléments m'attiraient: un drame de gangsters amoureux, qui se passe dans les années 60, avec Edouardo Noriega dans sa période la plus graou. De l'autre, d'autres m'interrogeaient: d'abord une méconnaissance totale des faits dont ils sont inspirés, qui sont apparemment assez célèbres en Amérique du Sud, de l'histoire de l'Argentine et de l'Uruguay (où l'histoire se déroule), un montage photo sur la couverture que je trouvais un peu raté (un baiser entre les deux héros, très caliente il est vrai, qu'on retrouve dans une des scènes du film, mais agrémenté de flammes photoshoppées que je ne trouvais pas d'un raffinement extrême). Mais je sais bien qu'on ne doit jamais juger d'un piment par sa couleur, alors je me suis lancée dedans.



Parlons déjà de l'histoire. C'est d'abord celle d'une rencontre entre deux hommes Angel et Nene. Dans le gangsta du Buenos Aires de 1965, on les appelle "les jumeaux". C'est pas qu'ils se ressemblent: Angel est un garçon un peu fêlé qui entend des voix, taciturne et tourmenté et Angel est un séducteur ambigû et manipulateur. Mais on ne voit jamais l'un sans l'autre, et ils aiment travailler de concert. Ce que l'on sait moins, c'est qu'ils sont également amants. Un jour, ils sont mis sur un gros coup avec un jeune loup, Cuervo. Mais tout ne se passe pas comme prévu, et ils se voient obligés de se planquer à Montevideo en Uruguay en attendant les consignes du grand patron: l'attente va exacerber toutes les passions.

On est donc bien là dans 2 thèmes classiques du cinéma. D'un côté, on retrouve les amants criminels à la Bonnie and Clyde, ce qui permet de juxtaposer amour et violence, donc traiter souvent de la passion. On connait ça par cœur, et on sait déjà comment ça va finir, mais il y a toujours quelque chose de très romantique dans la traque de deux personnes qui s'aiment, aux abois et qui savent qu'il ne leur reste peut être pas beaucoup de temps. Repensez à la Ballade sauvage, à Tueurs nés, à Thelma et Louise, à Sailor et Lula. Les héros ont beau être parfois atroces, leur amour fou fait qu'on est quand même prêt à les suivre et à s'y identifier. Ici, ça fonctionne plutôt bien. L'histoire d'amour entre Nene et Angel est très crédible, notamment grâce aux acteurs qui s'investissent vraiment. Edouardo Noriega, qui joue Angel, est très intense dans ce rôle d'amoureux transi et fragile. Leonardo Sbariglia, dans un rôle plus complexe, parce plus difficile à aimer, s'en sort vraiment très bien. Il arrive à donner une profondeur à un rôle qui en manque peut être un peu à l'écriture, et son registre n'est vraiment pas évident, parce qu'il faut bien le dire, Nene est une personnalité difficilement palpable, fuyante, et pas vraiment sympathique. Sbaraglia, parvient tout de même à lui apporter de l'épaisseur et de l'humanité par sa simple interprétation, et son travail est vraiment à saluer.

Mais c'est vrai qu'il existe pour moi un problème dans l'écriture des personnages qui restent un peu en surface. Nene et ses motivations sont difficiles à comprendre, et le récit ne fait rien pour nous y aider, Angel est un peu caricatural, Cuervo et sa petite amie, Vivi restent à une seule dimension. Seul le personnage de Giselle, qui arrive à peu près au milieu du film semble vraiment porter une ambivalence touchante, des contradictions qui se justifient. Il a pourtant beaucoup moins de temps que les autres pour se développer, mais je crois que c'est également à ajouter au crédit de l'actrice qui interprète le rôle, Leticia Bredice, qui est fascinante à observer.

Donc petit bémol sur l'écriture des personnage dans le scénario, mais il faut dire qu'il évite tout de même les écueils du biopic en se basant sur un fait divers célèbre et particulièrement sanglant pour l'époque. Il a le bon goût de choisir un angle et un espace temporel bien défini.

L'autre thème abordé ici, et qui fonctionne très bien au cinéma, c'est celui de l'attente. Ici, la très bonne idée du scénario est de mettre ses personnages dans cette position d'animal traqué, enfermé et tournant en rond, jusqu'au moment où cela doit forcément imploser. Personnellement, c'est le genre de situation que j'aime beaucoup, dramatiquement très efficace, qui permet de faire doucement monter la tension, mais aussi de lancer quelques échappées poétiques. Et ici c'est assez réussi (si vous voulez voir un monument du genre, ruez-vous sur Sonatine de Takeshi Kitano) .



Je suis assez enthousiaste sur la mise en scène et la photographie. J'aime beaucoup les tons choisis pour ce film, qui tirent un peu vers le vert, qui m'a fait irrémédiablement penser à Wong Kar Wai, et en particulier au magistral Happy together. Même que ça m'étonnerait  pas des masses que ça en soit un peu inspiré, vu le nombre de points communs: une belle histoire d'amour entre 2 homme singuliers, l'exil, l'attente et l'enfermement en espace clos, une scène d'anthologie sous une pluie diluvienne (grand motif WKW s'il en est), cette lumière très particulière, et bien évidemment, l'Argentine et le tango.

Puisqu'on parle de tango, parlons de la bande originale, que j'ai trouvée particulièrement efficace: du tango, bien évidemment, pour souligner l'amour passionnel d'Angel et Nene, des ritournelles italiennes pour El Cuervo, dont le modèle est Vittorio Gassman, du yéyé espagnol. La musique nous permet une belle insertion dans l'Amérique du sud des années 60 et est utilisée à bon escient de manière dramatique.

Enfin, je trouve que Marcelo Pineyro trouve toujours la bonne distance pour filmer ses personnages et les situations: les scènes d'action sont très rythmées, et compréhensibles (parfois, j'ai tendance à me perdre dans le montage de certaines scènes d'action, ici, ça n'a pas été le cas). Les scènes de sexe sont très sensuelles, très calliente mais il n'y a rien de trop graphique. Surtout, elles nous permettent d'appréhender les personnages, et l'on sent qu'il y a des ces moments-là l'expression de sentiments qui sont réprimés ailleurs, des échanges entre eux qui ne peuvent pas se dire. Je les ai trouvées assez réussies.



Dans l'ensemble, j'ai donc été ravie de recevoir ce DVD, d'autant plus que les bonus sont très intéressants: un making off qui permet d'en apprendre beaucoup sur le tournage du film, le travail de préparation des acteurs, la volonté de Pineyro. On y trouve aussi une vidéo de tournage sur une des scènes les plus impressionnantes du film (le braquage) et une large sélection de bandes-annonces. L'occasion donc, pour moi, de remercier Outplay pour sa confiance.

PS: Vous ne savez pas ce que c'est que le tango de la muerte? Fan des Simpson et de Baz Luhrmann, réjouissez-vous!