pelloche

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mercredi 31 mai 2017

Le cinéclub de Potzina: Couples mythiques: confidences sur l'oreiller




J'ai longtemps cru que je n'aimais pas les comédies romantiques. Ado, quand mes copines s'enthousiasmait pour une énième vision de Pretty woman, la Boum ou Dirty dancing, je ne pouvais cacher un baillement d'ennui.
Pour moi, à l'exception de Quand Harry rencontre Sally, la comédie romantique se résumait à des bluettes aux personnages caricaturaux, aux intrigues délavées et à la mise en scène super plan-plan. Mais surtout, si le romantisme m'apparaissait clairement, je cherchais en vain ce qui en faisait de réelles comédies.
Bien heureusement, j'ai vite découvert que c'était un genre bien plus large et varié que cela. J'ai vu que l'on pouvait faire rimer humour anglais et romantisme avec 4 mariages et un enterrement, Judd Apatow m'a prouvé qu'on pouvait faire de la grosse romcom, je suis tombée sur quelques pépites so frenchies. Mais surtout, surtout, je me suis plongée avec délices dans la grande comédie romantique hollywoodienne.
Parce qu'on l'oublie parfois, mais la comédie romantique a des racines profondes. Et de toute l'oeuvre de Billy Wilder en passant par La blonde et moi, l'impossible M. Bébé ou La Dame du vendredi, tous les ingrédients de la bonne romcom sont là: un humour décapant, une observation sociale qui fait mouche, des personnages qu'on prend pour des archétypes mais qui savent s'en affranchir, une chouette happy end, du rythme et des tonnes de bonne humeur.

Et pour moi, il y a un couple emblématique de la romcom hollywoodienne, qui en représente toute la malice et la complicité: Doris Day et Rock Hudson.
Les deux acteurs n'ont, on le sait bien, jamais eu d'idylle, mais il y avait entre eux une indéfectible amitié (qui a duré jusqu'à la mort tragique d'Hudson du Sida en 1985) , ce qui en fait le couple de cinéma le plus sympathique et le plus assorti que j'ai jamais pu voir. D'un côté, le beau Rock joue parfaitement les séducteurs nonchalants au sourire ravageur. De l'autre, Doris à la voix d'or en femme moderne, souvent bien plus obsédée par son métier que par des perspectives amoureuses, multiplie les moues outrées à chaque muflerie de son acolyte.

Et s'il fallait choisir un film réunissant les deux stars, je choisirais sans hésiter Confidences sur l'oreiller, de Michael Gordon. Je ne suis d'ailleurs pas la seule. De l'aveu même de Rock Hudson, c'est le film dans lequel il s'était le plus amusé. Et lorsqu'on le regarde, ce plaisir est une véritable évidence et on sent que ces fameuses confidences se transformaient souvent en "fous-rires sur l'oreiller".


Tout commence comme une parfaite comédie de situation. Jan Marrow, une décoratrice d'intérieur workaholic, doit partager sa ligne téléphonique avec le playboy de ces dames, Brad Allen. Et ça l'énerve un peu que sa ligne soit sans cesse squattée par un joli-coeur qui drague 15 filles en même temps quand elle attend un coup de fil important. Et oui, imagine-toi en entretien skype pour le job de ta vie. Ça te ferait moyen rire de le rater parce que ton voisin utilise ta wifi pour mettre en surchauffe les serveurs de Meetic? Du coup, quand Jan porte plainte contre le gêneur, ce dernier décide de se venger de cette mégère frigide et rabat-joie en utilisant son arme favorite: ses belles dents blanches, un bagout d'enfer et une fausse identité de riche Texan en visite à New-York.

Tout d'abord, ce film est un délice à regarder parce qu'il est très drôle, plein d'énergie, irrévérencieux et d'une belle malice. On rit très souvent, on sourit tout le temps; C'est en partie grâce à une écriture comique très efficace, qui ne laisse place à aucun temps mort ni à aucune mièvrerie, et qui balance des gags et des punchlines à la mitraillette.



Visuellement, ça tient carrément la route et osons le dire,c'est beau. Un technicolor qui met superbement en valeur les tenues très pop de Doris Day et ses décos disons, les plus originales. Du cinémascope pour les amateurs de grand-angle. Et des scènes de split-screen mémorables, de vrais bijoux de réalisation.


Mais surtout, comme je l'ai laissé entendre auparavant, Pillow Talk fonctionne grâce à la complicité magiques entre ses deux protagonistes. Doris Day joue délicieusement de son côté pète-sec, est adorablement drôle dans chacune de ses moues et nous fait le plaisir de pousser la chansonnette (j'y peux rien, depuis L'homme qui en savait trop, la voix de Doris Day m'émeut terriblement).Rock Hudson est un charmant malotru, aussi séduisant que tête à claques. Et tous les deux, il sont beaux, ils sont hilarants et ils s'éclatent indéniablement. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est communicatif.


Ce mois de mai, c'est le blog Cinéma d'hier et d'aujourd'hui qui héberge le Cinéclub de Potzina. merci à elle d'avoir choisi ce fabuleux thème: couples mythiques.Si vous ne connaissez pas le ciné-club de Potzina, je vous rappelle un peu le principe: à la base créée par la blogueuse Potzina, il a pour but de partager des chroniques ciné sur un thème donné chaque mois, et de découvrir ainsi un max de bons films. Tous les mois, un blogueur ciné participant propose un thème et répertorie tous les articles des bloggueurs participants. Pas de pression, aucune obligation de participer tous les mois, juste une envie de se stimuler les uns les autres. Si vous avez envie de participer, n'hésitez pas à nous retrouver sur notre page facebook.

jeudi 25 mai 2017

Thunes Hell: Tunnel, de Jee-Woon Kim

Avant de commencer, je vous dois juste un petit mot parce que ma production blogguistique a sévèrement freiné ces derniers temps. Je dois bien l'avouer, j'ai beaucoup moins de temps à consacrer à ce blog et malheureusement, à la lecture des autres blogs aussi et je dois me rendre à l'évidence: ma présence sur la toile va se faire encore plus discrète qu'auparavant. Face à ce problème de temps je me trouvais face à trois solutions:
1. Arrêter. J'avoue que l'idée m'a quand même plutôt attirée, parce que je fais partie de ces gens qui envoie valdinguer facilement les choses qui commencent à devenir pénibles. Et il est vrai que me mettre à mon ordi ces derniers temps pour écrire, alors que j'avais pas mal d'autres choses sur le feu m'a plutôt semblé une corvée. Mais je ne suis jamais à l'abri d'un coup de coeur que j'aurais envie de partager, et me retrouver sans cette possibilité me semblait un peu frustrante. Donc pour l'instant, je ne jette pas encore l'éponge, mais je me garde toujours une porte de sortie pour le jour où j'aurai envie de tirer ma révérence.
2. Faire des articles plus courts. Je sais, c'est à la fois ma qualité et mon défaut: je ne sais pas faire court, léger, casual. J'ai besoin de tartiner, d'aller fouiller, d'explorer. Donc ça, c'était sûr, je ne pouvais pas m'y soustraire. Je préfère passer 4 à 5 heures sur un papier une fois tous les 2 mois que 15 minutes toutes les semaines. Je n'y prendrais même pas de plaisir. Donc expédier un film en 3 paragraphes, c'est pas Girlie Cinéphilie, et je veux surtout pas que ça le devienne.
3. Revoir mes priorités. Pourquoi ce blog? Qu'est-ce que ce je veux partager? Qu'est-ce que ça m'apporte? Moins de temps libre, ça veut dire moins de temps pour voir des films et aussi moins de temps pour écrire dessus. Ma résolution est donc la suivante: je vais devoir me concentrer sur ce qui me fait vraiment de l'effet. Je n'écrirais plus d'articles sur des films qui m'intéressent moyennement, je n'écrirais plus sur ce qui me fait dire "Meh", je n'écrirais plus quand je n'aurais plus d'angle d'attaque sur un film, ou que, tout simplement, le film ne m'inspirera pas. Tout comme je vais devoir mieux choisir les films que je vais aller voir, je ne vais plus écrire qu'au coup de coeur, au coup de gueule ou au coup de latte. Ce qui veut dire moins de billets, moins de films, moins de présence, mais un plaisir à peu près intact (pour moi en tous cas).



Donc voilà, aujourd'hui, c'est coup de coeur pour un film coréen de Kim Seong-Hoon qui est à la frontière entre le film catastrophe, le mélo et le thriller politique: Tunnel.
Le pitch de Tunnel est on ne peut plus simple, et expédié dès les premières minutes du film. Alors qu'il rentre chez lui après une journée de travail et qu'il s'apprête à fêter l'anniversaire de sa petite fille avec un beau gâteau, Ha Jeong Hoo, commercial automobile se retrouve coincé sous un tunnel qui s'effondre sur lui. Il va devoir survivre en attendant les secours.

Alors, déjà, nous sommes bien dans un film coréen. Pour moi, ce qui fait la force de ce cinéma aujourd'hui, c'est qu'il est le seul (avec peut-être le cinéma indien, mais de manière complètement différente et parfois avec des résultats moins digestes) à réussir un mélange des genres détonnant et pourtant extraordinairement équilibré. Si je me réfère aux films coréens vus l'an dernier, c'est édifiant:
_ The Strangers, un film d'horreur métaphysique avec des scènes de comédie qui parvient à filer la grosse chocotte tout en interrogeant notre idée du mal et en déclenchant d'inquiétants éclats de rire,
- The man on high heels, un film noir transgenre et mélancolique, où des scènes de gunfight côtoient des scènes de mélo adolescents, de l'ultra-violence et de la transformation pretty womanesque,
- Dernier train pour Busan, un film de zombies mélodramatique et politique, un chef d'oeuvre de suspens et d'émotion.
Difficile de trouver d'autres cinématographies qui, à l'heure actuelle, peuvent se targuer d'aligner ainsi des films aussi originaux (pour ne pas dire chtarbés) qu'efficaces et étonnamment cohérents.



Tunnel ne déroge pas à cette règle du mélange des genres décapants. On est dans un film catastrophe, un survival horrifique, un mélo tragique et un brûlot politique tout à la fois. Et surtout, tout ça fonctionne à merveille et s'équilibre formidablement.

D'un côté, le film catastrophe fonctionne hyper bien. C'est même à mon avis un modèle d'écriture. Tout démarre très rapidement. En moins de cinq minutes, on entre dans l'horreur de la catastrophe: le héros s'engouffre dans le tunnel, on entends quelques craquements menaçants et boum, dans une séquence incroyablement efficace, le tunnel et tout ce qu'il y a dessus s'écroule sur lui. Voilà, tout est posé et on se demande bien comment on va réussir à développer tout un film sur un mec coincé dans une bagnole, avec deux petites bouteilles d'eau, un gâteau d'anniversaire et un téléphone, et qui n'a pas d'autres choix qu'attendre qu'on vienne le sortir de là.



Pour moi, le scénario de Tunnel est la parfaite illustration que l'inventivité s'épanouit superbement dans la contrainte. Quand on a une liberté totale, il est facile de se disperser et de vouloir partir sur plusieurs fils narratifs en même temps sans jamais tous les mener à bien (je ne vous rappellerai pas mes déconvenues avec, par exemple, Captain Fantastic). Mais quand on a l'audace de partir sur un horizon déjà bouché, des contraintes physiques importantes et coincer ses personnages, disons, dans un train ou un tunnel, il ne vous reste plus qu'une chose à faire: exploiter votre filon à fond. Et c'est là qu'on trouve de véritables pépites de créativité. 
Ici, tout comme pour son héros, le scénario s'amuse à sans cesse bloquer les issues, et à mener le spectateur à se ronger les cuticules en se demandant bien comment on va pouvoir nous sortir de cette impasse. Sans cesse, on pousse le bouchon un peu plus loin, et on augmente les conflits, alors qu'on croyait qu'on avait déjà mis l'ampli sur 11. C'est incroyablement prenant et ça joue avec vos émotions comme aux osselets (et je parle même pas de l'effet que ça peut faire à des gens, qui comme moi, ont des petits problèmes de claustrophobie et se croient dans The Descent  dès qu'ils n'arrivent pas à débloquer le loquet des toilettes du premier coup).



En ce qui concerne les émotions, d'ailleurs, la manière dont le mélo s'inscrit dans l'action est une nouvelle fois désarmante. Autour de Jung-Su, nous suivons le parcours deux autres personnages importants, dont les conflits ne semblent pas plus simples que le héros qui lutte pourtant pour sa survie. D'un côté il y a le chef de l'équipe de sauveteur, Dae Kyoung, qui doit imposer des travaux de grandes envergures pour sauver la vie d'un homme qui n'est pas assurée, se battre contre une bureaucratie plus intéressée par l'appât du gain et des média, mais aussi payer de sa personne. De l'autre, la femme de Jung-Su, Se-Hyun, qui doit affronter sa peur, le lourd regard d'une nation et les interrogations de sa fillette. Il y a dans les choix de chaque personnages des dilemmes à dimension véritablement tragique, et je dois bien avouer que j'ai dû échapper, çà et là, quelques larmes.

Enfin, mine de rien, Tunnel est une sacré charge politique. Tout le monde en prend pour son grade. Le sensationnalisme des média, qui n'est pas sans rappeler le mythique Gouffre aux chimères de Billy Wilder (si vous ne l'avez pas vu, foncez, c'est un chef d'oeuvre trop souvent oublié du maître du cinéma hollywoodien). Il y a quelque chose de révoltant dans l'intrusion des journalistes qui n'hésitent pas à mettre en jeu la vie du captifs pour quelques minutes d'audimat, et à s'en désintéresser lorsque l'histoire a assez duré. 



L'opportunisme politique: Madame le premier ministre, qui ne se déplace que quand les caméras sont là, qui balance des gros discours larmoyants, agit dans l'ombre contre l'opération de sauvetage trop coûteuse et vient récolter les lauriers à chaque avancée significative, c'est un personnage qu'il fallait oser, notamment dans un pays où on exige régulièrement une certaine déférence à l'Etat.
Mais surtout, comme on l'avait déjà vu avec Dernier train pour Busan, avec lequel Tunnel partage décidément de nombreux points communs, le grand méchant du film, c'est l'appât du gain. Ce sont les grosses entreprises de bâtiment et les pouvoirs publics qui radinent sur la sécurité, qui enlèvent un ventilo par ci, un boulon par là, une structure dans le coin, parce que bon, ça se verra pas. C'est les mecs qui crèvent à cause de machines merdiques mais dont on imputera la mort au projet sur lequel ils travaillent plutôt qu'aux fonds qu'on a décidé de leur allouer. C'est un autre tunnel tout aussi pourri qu'il faut absolument mettre en chantier, parce que le temps, c'est de l'argent, et que la vie d'un mec qui est peut être déjà un cadavre importe moins que des gros sous qui ne tombent pas dans les escarcelles. Ce tunnel, c'est bien le thunes hell. Mais la réponse finale du film, si elle ne nous avance pas à grand chose, reste d'une force libératrice intense et formidablement irrévérencieuse. Un joli doigt levé contre les horizons bouchés.