pelloche

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jeudi 30 avril 2015

Beyond Clueless: "A teenage dream's so hard to beat..."

Parce que l'adolescence est à jamais indissociable de la musique, je me devais de faire référence en titre pour ce film à une chanson. J'ai hésité entre Teenage Angst de Placebo, Teenage dream de Katy Perry, Teenage riot de Sonic Youth et puis bon, sans trop de débat avec moi-même, c'est Teenage Kicks des Undertones que j'ai choisi pour illustrer ce documentaire assez impressionnant sur le Teen movie: Beyond Clueless, sorti cette semaine sur les écrans.



Le terme de documentaire est assez générique et ne rend pas bien compte de ce qu'est cet objet filmique que j'ai eu la chance de voir en avant-première avec présence du réalisateur, Charlie Lyne. En fait, ça ressemblerait plutôt à une conférence assez pointue sur le film pour ados, sa construction, ce qu'il raconte, avec pour base un montage d'extraits très bien choisis dans une collection aussi personnelle qu'éclectique (je regrette simplement que les films les plus anciens n'aillent pas au-delà des années 90 - Breakfast Club, quoi!!!).


Ca a l'air un peu rébarbatif comme ça, mais en fait, ça ne l'est pas du tout. C'est même assez passionnant. D'abord, et c'est mon cœur de teenageuse 90's qui parle, la narratrice qui va nous expliquer la psyché adolescente de ce genre de film n'est rien moins que Fairuza Balk, la jolie et inquiétante sorcière du teen-movie wican, Dangereuse Alliance. Sa belle voix éraillée analyse les tourments adolescents comme présentés par les films qui leur sont destinés, et ajoute beaucoup à la poésie du film. Tout comme la BO pop acidulée et nostalgique des formidables Summer Camp, un duo britannique à voir absolument sur scène si vous en avez l'occasion. En fait, entendre un de leur morceaux au générique a été ma principale raison de vouloir voir ce film. Charlie Lyne avoue lui-même qu'après avoir passé des heures en salles de montage et présenté plusieurs fois son film, la seule chose qu'il en supporte encore, c'est la musique. Vu le travail qu'a dû représenté l'écriture et le montage de ce film, on le comprend.



Concernant l'analyse de Lyne sur le teen movie, elle est très fournie, et pourrait tout à la fois avoir des ambitions littéraires et universitaires, tant elle est pointue, juste et bien écrite, le côté ennuyeux et pédant en moins. L'idée était de prendre au sérieux ce genre, si souvent décrié, et l'analyser avec tout le sérieux duquel on ne lui accordait pas le mérite. Et c'est une véritable réussite, il réussit à débusquer à travers plusieurs chapitres, les grands thèmes et les grandes constructions de ce cinéma, par chapitre. On y apprend comment survivre au lycée et à ses règles intangibles, comment passer ce moment effrayant qu'est la puberté, comment gérer ses pulsions sexuelles, comment s'interroger sur son avenir, comment s'insérer dans la société et afficher son individualité... Et comment le film de teenager, souvent sous couvert de subversion, est en fait souvent formateur, pas dans le sens pédagogique mais plutôt dans le fait de formater les esprits, et c'est assez effrayant...



La liste des films choisis pour illustrer chaque chapitre m'a véritablement réjouie: assez peu de classiques, à part peut-être Lolita malgré moi, mais beaucoup de films moins connus et très intéressants. Si le film s'appelle Beyond Clueless, ce n'est pas pour rien, c'est bien pour s'intéresser à toute cette production au-delà de ce qu'on en connaît (Clueless étant un peu l'étendard de la comédie teen américaine). Au programme des analyses, et dans tous les genres, le film de SF The Faculty, le film d'horreur (dont je suis fan) Jeepers Creepers, la comédie grand guignol La main qui tue, la comédie sentimentalo-rigolote Sex trip, ou la Teen wolfette (que j'ai très envie de voir), Ginger Snap, ou l'invraisemblable et adorable 13 going on 30. Du coup, le film s'accompagne de toute une liste de film qu'on a envie de voir ou de revoir.



Malheureusement, le film a le défaut de ses qualités: le sérieux de son analyse et son côté très écrit le rendent parfois un peu ronronnant et un spectateur que le sujet ne passionnera pas plus que ça pourra vite décrocher.

Ce film, réalisé avec peu de moyens par un blogueur et critique ciné a cependant le mérite de constituer une expérience à part, une véritable étude, images à l'appui, d'un genre trop souvent sous-estimé. Le montage fait la part belle aux comparaisons (qui aurait cru, par exemple, que la scène de baiser en piscine était un poncif du genre?) et aux contrastes, et crée sa propre narration. Mais ce que j'en retire finalement, c'est cette chose assez évanescente que diffuse ce film, qui fonctionne comme un chant d'amour à une époque révolue: un élan de douce nostalgie, un regard amusé et tendre sur son propre âge dit ingrat, celui des amours de cour de récréation...








mardi 28 avril 2015

Blind: Des images plein la tête (Hallucinations collectives)



Pour moi comme pour beaucoup de cinéphiles, j'imagine, une de mes plus grandes peurs est de perdre la vue. Que faire si l'on ne sait plus face à quoi l'on se trouve? Comment réapprendre à vivre sans voir? Comment se souvenir des formes, des couleurs, d'un sourire?

C'est justement le sujet de Blind, d'Eskil Vogt, film norvégien sous-titré en Français "Un rêve éveillé" et qui sort demain sur nos écrans. Parce que quand on ne peut plus voir le monde, il ne reste plus qu'à le rêver.

L'histoire est difficilement pitchable, on va donc commencer au début: Ingrid a perdu la vue. Elle vit avec Morten. Depuis qu'elle est atteinte de cécité, elle n'ose plus sortir de son appartement, ce que lui reproche un peu son compagnon. La journée, qu'elle passe seule en l'attendant, elle tente de se remémorer des images et si sa mémoire lui fait défaut, d'en créer. Ainsi, elle s'interroge sur ce qu'elle ne peut pas voir: Morten se cache-t-il dans l'appartement et l'observe-t-il pendant la journée? A-t-il des aventures? Tout ce qu'elle ne peut plus constater de ses yeux, Ingrid l'imagine et elle oscille sans cesse entre doutes réels et fantasmes amusés où se croisent Morten, Elin, une jeune mère célibataire et Einar, un homme retranché dans sa solitude.



Le film part donc d'une question simple: que se passe-t-il dans la tête de quelqu'un qui n'est plus en mesure de voir? Que peut-on avoir comme certitude quand croire, ça ne peut plus être voir? La question est très intéressante et finalement assez vertigineuse. Comment savoir de quelle manière l'être qu'on aime réagit à une blague si on ne peut plus le voir sourire? Faut-il se dire qu'on sourit? Peut-on faire confiance aux autres, et mettre sa vue, voire sa vie entre leurs mains? Comment être autonome? Comment se faire à cette nouvelle vie?

Toutes ses questions, Ingrid se les pose, elle cherche, s'interroge, explore. Et surtout, elle crée. En effet, comme Ingrid ne peut plus voir le monde autour d'elle, et qu'elle ne se sent pas encore capable d'y participer, elle l'invente, le transforme à l'envi. En un mot, elle écrit. Blind devient alors un véritable examen du processus créatif, de ses joies et de ses frustrations, d'autant plus fortes ici que l'écriture devient la seule activité signifiante pour Ingrid, qui a du mal à trouver sa place et sa raison d'être dans ce monde auquel elle a du mal à revenir.



Je dois avouer avoir beaucoup aimé ce film, même s'il cela ne m'est pas apparu de manière évidente après sa vision, lors des Hallucinations Collectives. Mais c'est un film qui s'est lentement installé, et qui m'a plus touché que je ne l'aurai pensé. C'est un film qui s'insinue, des images, des expressions qui restent ancrés dans la mémoire, peut être déformées par le temps comme pour Ingrid mais qui laissent cependant un impression durable, le souvenir d'une expérience à part.

Le personnage d'Ingrid est absolument formidable et Eskil Vogt nous le fait rencontrer progressivement au gré de ses journées passées devant son ordinateur. Il n'hésite pas à proposer un personnage complexe, qui n'est pas uniquement défini par son handicap, très humain. Cette Ingrid est têtue, fantaisiste, drôle, réfléchie, séductrice et capricieuse, tout simplement touchante. On a envie de la suivre à travers ses doutes et les affres de son imagination, à la recherche d'un nouvel équilibre et surtout, d'un nouvel enthousiasme. Elle est interprétée avec beaucoup de justesse par Ellen Dorrit Petersen qui lui transmet ce formidable mélange de concentration et d'espièglerie.



Le reste du casting est également très bon, d'autant plus que les personnages sont doubles, triples voire même plus, puisqu'ils changent au gré des inspirations d'Ingrid. Mention spéciale à Marius Kolbenstvedt (c'est dans des moments comme ça que je suis contente d'avoir un blog écrit et pas une chaine Youtube) qui interprète un personnage pas évident de solitaire accro chronique au porno, mais qui rêve de grand amour.



La qualité de la réalisation est aussi à souligner. Eskil Vogt sait filmer les intérieurs comme personne, y déceler l'humain qui suinte derrière la déco scandinave. Parce que derrière le blanc, le bois, les tasses de thé, il y a du désir et de la peau. Sa caméra sait approcher les personnages et leur donner toute leur humanité, toute leur beauté. Il sait nous les faire aimer. L'ambiance du film est très belle, elle épouse parfaitement les états d'âmes d'Ingrid et nous fait partager, de l'intérieur, ses conflits. Le tout est soutenu par une bande originale au top: parce qu'entendre dans un même film Françoise Hardy et Sonic Youth, moi ça m'enchante, tout comme voir des appartements qui débordent de collections de vinyls et de posters de Morrissey... Il faut souligner aussi des idées de montages formidables et très drôles, que je ne peux pas trop dévoiler ici sans gâcher une partie de votre plaisir. mais quand vous verrez le café-bus, vous comprendrez.



Blind nous parle aussi beaucoup de la solitude et de l'exclusion: celle des handicapés, mais aussi des timides, des étrangers. Il met en avant les évènements qui ont suivi les attentats de 2011 en Norvège: la solidarité nationale, l'élan d'amour et de vie généralisé provoqué par cet évènement traumatique, puis le délitement progressif de cette union. Un constat qui sonne juste chez nous par les temps qui courent.



Enfin, il faut dire que ce film est simplement une magnifique histoire d'amour. Il m'a d'ailleurs semblé que la sélection des Hallucinations collectives cette année était très love love (entre Duke of Burgundy dont on reparlera en juin, Spring et Blind, on a eu droit à de très belles histoires d'amour). La relation entre Ingrid et Morten est à la fois simple et splendide, elle s'inscrit parfaitement entre le quotidien et le fantastique, elle est grave et joyeuse. C'est une vraie et adorable histoire de couple. Et je l'avais déjà dit pour Spring, je le redis pour Blind: il ne faut jamais passer à côté d'une belle histoire d'amour...









mercredi 22 avril 2015

Oldies but Goodies: L'île du Dr Moreau (Hallucinations collectives)



Dans la collection Oldies but Goodies, un film vu aux Hallucinations Collectives, dont j'avais pu voir des remakes, mais jamais l'original, un film d'épouvante de la Paramount, l'Ile du Docteur Moreau, de 1933.

Grand bien m'en a pris car ce classique maintes fois repris, pas toujours pour le meilleur (à mon humble avis, ce n'est pas très grave si vous faites l'impasse sur le Frankenheimer de 1996 avec le grand duo de cabotineurs Marlon Brando et Val Kilmer) est ici assez formidable.

1932. Les films d'aventure et d'épouvante fonctionnent plutôt bien. La Paramount a décidé d'adapter un roman H.G. Wells, plutôt un bon choix puisque peu d'écrivains peuvent se targuer d'avoir inspiré autant de films, et pas que des moindres, s'il vous plait: L'homme invisible (et ses suites), La machine à explorer le temps, La guerre des mondes. Le studio choisi L'île du Docteur Moreau, un roman de science-fiction et d'aventure trépidant.



L'histoire est celle d'un naufragé qui se retrouve après quelques péripéties sur une île mystérieuse et si petite qu'elle n'est pas indiquée sur les cartes. Il découvre qu'elle est dirigée de main ferme par le Docteur Moreau, un scientifique aux pratiques qui semblent douteuses, et qu'elle est habitée d'étranges personnages, mi-humains, mi-animaux...

Pour interpréter le Docteur Moreau, exilé d'Angleterre sur cette petite île, on choisit l'acteur britannique Charles Laughton. Ce n'est alors que son deuxième grand rôle dans un film américain, et il n'a pas encore réalisé son unique film et immense chef d'œuvre, La Nuit du chasseur. Il accepte le rôle, mais bien loin du personnage et ayant pour ce scientifique aux ambitions grandiloquentes et adepte de la vivisection une véritable aversion, il va transférer tout ce dégoût dans son interprétation. Il crée ainsi un personnage odieux, suintant et fourbe, d'un vice et d'une pédanterie dingue. Tu m'étonnes que Marlon se soit cassé les dents dessus après ce tour de force. Parce qu'il faut bien le dire, l'élément le plus effrayant dans ce film, c'est bien Laughton. Laughton et son fouet, Laughton et son costume blanc, Laughton et sa loi, Laughton et ses sourires en coin, Laughton et sa volonté de devenir le dieu vivant d'une société qu'il a forgée de toutes pièces. Le voir torturer de pauvres créatures, la mèche plaquée de côté, un léger sourire à ses lèvres boudeuses a quelque chose d'un ice bucket challenge. La légende veut que Laughton se soit inspiré de son dentiste pour créer ce rôle... à mon avis, il aurait dû en changer...



Les autres membres du cast ne sont pas mal non plus. On passera vite fait sur le couple de héros Richard Arlen et Leila Hyams, qui s'il font une performance très honorable, n'ont rien de bien excitant, pour passer au grand mystère du film, l'argument de vente de celui-ci, l'élément wow du film: la femme panthère. Je dit la femme panthère, mais c'est exactement comme ça qu'elle est nommée au générique. Parce que oui, à l'époque aussi on aimait faire le buzz, et que comme dans les freak shows, on aimait faire croire que nous n'étions pas face à des êtres humains, mais des êtres hybrides. En fait, La femme panthère, c'est simplement Kathleen Burke, une jolie pépette de 19 ans aux yeux envoûtants et à la démarche féline, qui est une parfaite vamp à l'allure animale. Malheureusement pour elle, ce film sera un peu une malédiction, puisqu'on ne lui proposera par la suite que des rôles similaires.



Et puis, pour les amateurs, il y a aussi Bela Lugosi. Oui, Monsieur Dracula, exactement. Mais je dois l'avouer, si je n'avais pas lu son nom au générique, je ne l'aurais pas deviné. Il joue un rôle assez secondaire, "Le diseur de loi" et est complètement grimé. Mais sa performance est excellente, même meilleure que dans certains Dracula où il avait tendance à partir un peu trop dans l'expressionisme. Là, il est juste, émouvant et bien flippant sous sa masse de poils.



Si l'on s'intéresse au maquillage, justement, il y a de quoi réjouir tous les fans d'effets spéciaux. Ils sont tout bonnement splendides et n'ont rien à envier aux maquillages actuels, des griffes de la femme panthère à la truffe de l'homme chien, tout colle parfaitement et participe à créer des personnages qui ont une véritable caractérisation.

Le résultat, c'est un film qui fonctionne très bien sur tous les plans. Le film d'action et d'aventure est trépidant, on ressent la moiteur de la jungle, le danger qui rode, le brouillard autour de l'île et l'on ne s'ennuie pas une seconde. Le film d'épouvante a été, pour moi, une sacrée révélation. Comme je le disais précédemment, Laughton n'y est pas étranger. Mais en dehors de ce fameux docteur, il y a des éléments d'une violence assez inouïes, dont des scènes de vivisections qui, si elle ne montrent pas tant que ça, suggèrent parfaitement l'horreur contenue dans "la maison de la douleur". Pas étonnant que le film ait été censuré au Royaume Uni lors de sa sortie! Mais le pire reste vraiment l'horreur que suscite la société créée par Moreau: une société totalitaire, où tout semble calme et contrôlé (la violence et les armes sont interdits, sauf s'ils sont utilisés par le docteur), mais qui peut se renverser au moindre grain de sable dans le rouage de la machine. Et lorsque cette société retourne à son état d'origine, son état sauvage, c'est une révolution sanglante, un chaos à la fois nécessaire et barbare: celui de la nature qui reprend ses droits...




jeudi 16 avril 2015

Shaun, le sheep à choper!



Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. Juste avant, je vous enjoignais à aller voir un film bien flippant, bien glaçant. Ben là, c'est exactement le contraire. Des petites fleurs, des petits animaux trop miguenons, de la pop et des prouts (parce que bon, faut bien se marrer aussi!)

Alors voilà, je suis allée voir Shaun le mouton, et j'ai passé un moment formidable! J'ai ri, j'ai été émue, et j'ai fait plus de bruit que tous les autres gamins de la salle qui, je ne sais comment, arrivaient à se contenir. Les mamans modèles autour de moi ont vraiment dû se poser pas mal de questions sur mon éducation... En fait, mon voisin s'est même tourné vers moi à la fin de la séance et m'a dit: "Ben dites donc, il vous a plu ce film!" Comme si j'avais 7 ans et que je venais au cinéma pour la première fois. Je m'attendais presque à ce qu'on me donne un ballon à la sortie.

Donc oui, Shaun m'a plu. Shaun m'a même complètement conquise.

En même temps, tout ça, c'était un peu écrit. D'abord, si vous vous baladez un peu sur ce blog, vous verrez que le tricot, c'est une activité assez fréquente chez moi (je sais, je n'ai rien publié dans le genre depuis pas mal de temps, mais ce n'est pas parce que je n'ai rien réalisé, plutôt parce que je n'ai toujours pas trouvé quel était le rapport avec le cinéma, et comme j'essaie de rester cohérente...). Et qui dit tricoteuse, dit amoureuse de la laine et qui dit amoureuse de la laine dit copine des moutons. Ouais, au point où je peux même pas avaler du gigot d'agneau...(même si, faut pas se mentir, ça n'a pas grand-chose à voir avec le fait qu'un agneau, c'est mignon, mais plutôt avec la saveur un peu trop forte de la viande). Donc un mouton, c'est déjà un argument de taille pour que j'ai envie de voir le film.

Mais surtout, c'est un film des studios Aardman, la boîte d'animation la plus classe de la planète, celle qui te donne envie de croire en l'amour du cinéma artisanal, de l'humour british, du beau travail de longue haleine, et de la pâte à modeler colorée. Pour ceux qui vivraient sur une autre planète, Aardman animations, c'est une équipe incroyable d'animateurs qui font de l'image par image, et n'hésite pas à passer plusieurs années sur un long métrage qui se révèle souvent, tout le temps en fait, d'une qualité incroyable. Pour faire plus simple, ce sont les papas et mamans de Wallace et Gromit, de Chiken Run et de Pirates, bons à rien, mauvais en tout.



Et avec Shaun, le petit mouton noir qu'on avait déjà pu voir dans le court-métrage de Wallace et Gromit Rasé de près, Aardman a encore frappé fort. Ici, on se centre plus sur ce personnage. Shaun, qui en a marre de la routine chant du coq-pâture-tonte veut prendre des vacances. Il va donc manigancer un stratagème pour avoir la paix une journée, qui va tourner très mal: il va se retrouver sans berger et va devoir tenter de le retrouver dans la Grande Ville. L'épopée commence!

Comme d'habitude la qualité visuelle incroyable est encore au rendez-vous: les personnages sont super bien réalisés, les décors aussi bien à la campagne qu'à la ville sont magnifiques, les expressions et les textures sont parfaitement rendues, les couleurs sont magnifiques et l'animation est carrément fluide. Tout ça, à la main, sans 3D avec un talent et une patience incroyable. Un tel travail de Titan ne peut déjà qu'être salué.

Mais surtout, Shaun le mouton est une formidable comédie, qui peut plaire à absolument tout le monde, parce qu'il y en a pour tous les rires. Ca c'est toujours bienvenu.



Déjà, le film est muet. Il reste sonore, mais il n'y a pas de dialogues à proprement parler: les moutons bèlent, les chiens gémissent et aboient, les humains marmonnent. On se trouve donc devant un film à portée très universelle. Mention tout à fait spéciale aux doubleurs, je n'aurai pas cru que l'on puisse mettre autant d'intention dans un bêlement, c'est assez dingue. Du coup, on se retrouve avec des gags visuels et sonores bien foutus, qui louchent du côté de chez Tati, et qui peuvent s'adresser aussi bien aux tous petits qu'aux plus grands.

Si l'histoire est très simple à comprendre et à la portée de tous, le film est aussi ultra-référencé pour les spectateurs les plus cinéphiles. Au choix: Sacré Graal, le Silence des Agneaux (tu m'étonnes!), les Nerfs à vif, Les Evadés, que du bon et de l'inattendu, qui permet d'échanger un regard entre adultes et de se dire que ce film aussi, est fait pour nous.



Pour les plus régressifs d'entre nous, y'a aussi une bonne dose de pipi-caca-prout qui, en ce qui me concerne, n'est pas faite pour me déplaire, parce que ça jaillit toujours au bon moment, et que même si ça peut aller très loin (non mais la scène du cul du cheval quoi!), c'est toujours tellement bon enfant que ce serait dommage de pas en profiter.

Y'en a aussi pour les amoureux de l'absurde, pour les potes du comique de situation et des quiproquos, pour ceux qui aiment les bons sentiments, ceux qui aiment voir (beaucoup) souffrir les méchants, de la façon la plus cruelle et drôle possible, ceux qui aiment se moquer de la mode, ceux qui aiment les aventures rocambolesques. Bref, tous ceux qui aiment rire, c'est à dire tout le monde (j'espère!)



Mais en plus d'être drôle, le film est également très dynamique, très tendre (oui, j'ai versé une larme, et alors, j't'en pose des questions?) et intelligent. La bande-originale de Llan Eshkeri est un beau bonbon de pop britannique 5 étoiles, comptant sur la présence de Nick Hogson des Kaiser Chief , de Tim Wheeler d'Ash, ou d'Eliza Doolittle. Tout le monde retiendra "Feels like summer", de Tim Wheeler, le tube à mémorisation instantanée du film, de la pop fraiche et acidulée, qui guérit de tous les "Libérée, délivrée" du monde.

A une époque où "mouton" est l'insulte préférée de ceux qui n'ont pas d'argument, moi je milite pour la réhabilitation de chouette animal et n'ai aucun mal à vous encourager à rejoindre le troupeau. Parce qu'il n'y a, pour moi, aucune bonne raison de ne pas aller voir ce petit bijou d'animation, ce concentré d'humour et de bonne humeur, qui a tout pour faire passer une bèèèèèlle journée.

mardi 14 avril 2015

Goodnight Mommy: Are you my mummy? (Hallucinations collectives)



Les fans du Doctor Who (dont je fais peut être partie) auront reconnu dans mon titre une référence à un des épisodes les plus terrifiants de la série, qui joue comme Goodnight Mommy sur une de nos peur les plus primales d'enfant: celle de l'abandon par la mère. Ce film autrichien, que j'ai pu découvrir aux Hallucinations Collectives sort demain en salles.



Deux jeunes jumeaux, Lukas et Elias, qui habitent une immense villa moderne perdue à la campagne. Après une absence pour cause d'hospitalisation, ils voient revenir une femme qui dit être leur mère. Mais rien n'est moins sûr: son visage est bandé et il est très difficile aux deux enfants de reconnaître leur maman dans cette femme qui affiche une certaine froideur, voire parfois une véritable cruauté à leur encontre...



Alors je sais pas vous, mais moi, rien que le pitch, ça m'effraie. Ca touche à mes peurs les plus anciennes, mes peurs les plus intimes, et je pense que nous sommes tous en mesure de sentir la douleur de ces enfants qui ne comprennent pas pourquoi leur maman n'est plus la même et semble déceler sous son apparence un grand danger... Vous vous souvenez du Loup qui montre patte blanche pour se faire passer pour maman chèvre et dévorer les petits chevreaux? Vous vous souvenez du Grand méchant loup déguisé en Grand mère pour mieux manger le petit chaperon rouge? Vous le voyez le mythe horrifique qui se répète? Donc, indéniablement, l'épouvante fonctionne très bien à ce niveau. Mais accrochez-vous à vos accoudoirs, ça ne fait que commencer...



Il m'est difficile de vous parler réellement de ce qui m'a vraiment plu dans ce film, parce que cela m'obligerait à en spoiler une bonne partie. Je vais donc rester... bouche cousue (et là, ceux qui ont vu le film trouvent que j'ai fait une blague hilarante). Sachez en tout cas que le scénario est vachement bien écrit, en tout cas moi, il m'a complètement bluffée, du genre à être contente d'être déjà assise pour ne pas tomber lourdement sur ses fesses et à vouloir se mettre des baffes de pas l'avoir vu venir! Mais je m'arrête là, parce que ça va tout vous gâcher...

Du coup, j'ai quand même la possibilité de vous parler un peu de la réalisation, ici signé d'un duo assez efficace, Veronika Franz et Severin Fiala, qui ont apparemment eu l'idée de ce film en voyant une émission de télé-réalité montrant des enfants perplexes suite au relooking chirurgical de leur génitrice... Dans ce film, on reste justement dans une atmosphère très clinique, voire glaçante et rapportée au cocon familial, il y a un véritable malaise qui se crée. La maison très moderne dont les murs sont chargés de photos de mannequins au visage flouté est un univers aseptisé et dénué d'amour, vraiment pas l'endroit où l'on rêverait d'élever des enfants et y voir errer cette toute petite cellule familiale (la mère et les deux enfants) crée quelque chose de fantomatique et d'assez perturbant. La nature environnante, si elle paraît attirante, n'en est pas moins vénéneuse: la mort et le danger y sont sans cesse présents et les jeux des enfants y sont assez effrayants (se poursuivre dans un champ de maïs, pénétrer dans d'obscures grottes, s'approcher d'un peu de trop près des feux de paille...). Dès le départ, on sait instiller l'inquiétude et le malaise chez le spectateur et les rapports étranges de la mère avec ses enfants ne vont faire que renforcer ce sentiment de froid et d'étrangeté.



Rajoutons à cela une lumière assez éclatante et un choix chromatique proche du blanc hopital pas franchement joyeux, ainsi qu'une bande son qui laisse une large place au silence, aux chuchotements et aux bruits de la nature, ce qui renforce le sentiment d'absence de vie humaine, de la joie et de lu dynamisme qu'on associe souvent à l'enfance.

On retrouve ce côté clinique dans certaines scènes où viennent jaillir la violence, ce qui la rend d'autant plus choquante et réaliste. On n'est pas ici dans le grand-guignol, dans le gore-ketchup. La violence a finalement peu de présence dans la durée du film mais sa fulgurance et son intensité sont telles qu'elle s'imprime véritablement. Il est donc conseillé d'avoir l'estomac bien accroché pour certaines scènes, parce que je préfère vous prévenir, on ne va pas vous épargner. Et comme tous les bons films du genre, ce que vous allez voir sera toujours moins perturbant que tout ce que vous pourrez imaginer car plus que la violence physique, la violence morale de ce film fait assez mal.


Le grand plus de ce film, c'est son interprétation, les deux jeunes acteurs qui s'appellent réellement Lukas et Elias (Schwartz) sont très crédibles dans toutes les scènes, et la direction d'acteur est sûrement à saluer ici. Ils savent parfaitement équilibrer l'innocence et la brutalité des personnages qui sont avant tout des gamins qui se sentent un abandonnés et qui, je pense que ça joue pas mal, s'emmerdent comme des rats morts dans cette citadelle perdue au milieu de nulle part. En cela, ils savent livrer une bonne dose d'humour noir à ce film qui, sans cela, serait à la fois plus sérieux mais peut être aussi moins dérangeant. Imaginez Sa majesté des mouches sans le côté ludique: ça n'a plus le même intérêt quand même...

C'est en tous cas plutôt une réussite, et Goodnight Mommy a, à mon avis, bien mérité le prix que le public lui a accordé à la fin du festival Hallucinations Collectives (perso, j'avais choisi Spring). La seule chose que je pourrai lui reprocher, mais c'est un peu le défaut de ce type de films coup-de-poing, c'est qu'une fois le choc passé, on en retire finalement pas grand-chose sur le long terme. Mais dans le genre, il est tout à fait convaincant et efficace. Et ça donne envie d'appeler sa maman....


mercredi 8 avril 2015

Shrew's nest: un nid pas si douillet (Hallucinations collectives)



Ce week-end, lors des Hallucinations collectives, j'ai aussi pu découvrir Shrew's Nest (Musaranas), de Juanfer Andres et Estéban Roel, un huis-clos (comme beaucoup de films de la sélection du festival cette année) bien claustro...

On est en Espagne, dans les années 50, sous Franco (on se calme les filles et on ouvre son livre d'histoire, j'ai dit Franco le dictateur, pas James Franco le séducteur). Déjà comme ambiance, c'est assez étouffant, non? Et bien imaginez en plus une jeune couturière, Montse, qui, après une enfance très difficile (mère morte jeune, père tyrannique et plus, une petite sœur à élever...) est devenue totalement agoraphobe et ne peut pas mettre un pied en dehors de chez elle. Ses seuls liens avec l'extérieur sont sa petite sœur avec qui elle partage son appartement, et une de ses rares clientes, femme du docteur qui lui fait parvenir un peu de morphine pour calmer ses crises. Montse est une jeune femme très fragile mais très protectrice qui démontre une sévérité parfois violente envers sa sœur qui commence à vouloir voler de ses propres ailes et quitter le nid familial. La vie des deux sœurs va basculer le jour où s'échoue à la porte de leur appartement un homme blessé.



Ce film espagnol a eu beaucoup de succès dans son pays d'origine et a été nommé à plusieurs reprises aux Goyas. C'est donc encore une fois assez étonnant de voir qu'il n'a pas trouvé de distributeur par nos contrées. Mais il est vrai que concernant le cinéma ibérique, nous ne sommes pas souvent gâtés, bien que voisins, question de langue et de traduction, sans doute...

C'est un peu dommage, parce que si, pour moi, le film a bien des lacunes, il reste cependant très intéressant.

Expliquons d'abord un peu le titre. Shrew's nest signifie "le nid de la musaraigne". La musaraigne, c'est cet animal généralement assez inoffensif, à l'allure chétive de petite souris au nez allongé, mais qui pour certaines espèces, sécrète un venin paralysant. La métaphore fonctionne plutôt bien. Macarena Gomez, avec ses grands yeux cernés et son visage enfantin possède tout à fait cette fragilité apparente, et en joue à merveille. C'est d'ailleurs bien sur ses frêles épaules que tient tout le film. Elle interprète parfaitement ce petit animal blessé, prêt à tout pour protéger et retenir ceux qu'elle aime, même à la barbarie la plus sanglante. Le nid, dont elle ne peut s'échapper, et dans lequel elle essaie de contenir tout ce qui lui tient à cœur devient vite une prison aussi bien pour elle que pour ceux qui l'entourent, une prison dont les murs cachent de lourds secrets (qu'on devine malheureusement bien vite, la faute à une écriture pas hyper subtile...).



On peut reprocher, effectivement, un manque de rythme et surtout de cohérence à l'écriture de ce huis-clos, ce qui est d'autant plus énervant qu'il y a au moins 4 noms au générique pour le scénario... Le huis-clos, c'est à la fois très pratique et très casse-gueule comme genre. D'un côté, cela permet une économie de moyens, de déplacements, cela crée une atmosphère bien tendue pour le peu que l'on soit un peu claustrophobe, et ici, cela a vraiment un sens, notamment concernant la phobie de Montse. Mais, de l'autre côté, pour que cela fonctionne, il faut vraiment avoir de bonnes raisons pour qu'on ne puisse s'en échapper. Et là, on se dit quand même que certains prisonniers ne font pas beaucoup d'efforts. A croire que tous les personnages sont pris du même mal que Montse... D'ailleurs, à part elle, on a du mal à comprendre les motivations des autres personnages, que ce soit sa sœur ou l'homme blessé... Ça aurait mérité d'être plus fouillé...

Et puis, quand on a un sujet en or comme l'agoraphobie d'un personnage, pourquoi ne pas l'exploiter? On voit dans une scène dans quel état ça peut la mettre de franchir le pas de sa porte et personne ne pense à profiter de ça??? Sérieusement??? On passe quand même à côté d'une chouette scène où elle peut être mise face à sa plus grande peur et en devoir de la dépasser. Pourquoi se passer d'une chance pareille? Franchement, j'ai du mal à comprendre...



Et à côté de ça, il y a quelques scènes de nature assez grand guignolesque qui, si elles font toujours assez plaisir à voir n'ont pas vraiment d'intérêt dans la progression du film. Je suis comme tout être normal, je n'ai rien contre une petite scène de massacre burlesque de temps en temps, mais j'avoue que j'aime bien qu'elle ne soit pas complètement gratuite...



L'autre problème du film est justement ce passage entre plusieurs genre qui n'est pas toujours réussi. On a l'impression que les réalisateurs n'ont pas réussi à se décider sur le ton du film. On oscille entre la tragédie, le Grand-Guignol, le drame familial, la romance... En théorie, ça pourrait marcher. En pratique, s'il n'y a pas de lien entre ces différentes scènes, ça ne fonctionne pas et le film ne laisse pas une impression très forte.

C'est dommage parce qu'il y a pas mal de choses plutôt intéressantes dans ce film. Pour ceux qui suivent un peu mes articles couturesques (j'avoue que j'en ai pas fait beaucoup ces derniers temps, mais ça va arriver, parce que j'ai cousu plein de trucs), vous savez que je voue un culte aux vêtements vintage. Et là, c'est bonheur assuré: des jolies robes au coupes superbes (noires pour Macarena Gomes, à fleurs pour Nadia de Santiago), des petits gilets tricotés...La costumière s'est sûrement fait très plaisir. Alors, oui, c'est peut être accessoire, mais rappelons que le personnage principal est une couturière et bon dieu, je vais quand même pas me priver d'un tel plaisir.


Les comédiens, ensuite. Comme je l'ai déjà évoqué, le film vaut surtout pour la partition de Macarena Gomes, qui trouve là un rôle à la mesure de son talent. Elle sait parfaitement mettre en relief les blessures de son personnage et lui apporte la dose burlesque juste pour le rendre véritablement attachant, malgré ses accès de folie et de violence. C'est une équilibriste hors pair et sans elle, je crois que ce film n'aurait eu qu'assez peu d'intérêt. Sa partenaire, la jeune Nadia de Santiago est aussi très bien, même si elle n'a malheureusement pas eu la chance d'avoir un rôle très écrit. Il y a des "blancs" dans ce personnage qu'il est difficile de combler, mais elle y apporte une très belle douceur. Hugo Silva, le beau gosse de service, souffre du même problème: un personnage qui manque de consistance, avec pas mal d'incohérences. Quant à Luis Tosar, qui joue le père glauque au possible, il est toujours au top dans ce genre de rôle qui fait froid dans le dos (pour ceux qui ont vu Malveillance, vous voyez de quoi je parle...).


Enfin, l'ambiance claustrophobe de cet appartement, alliée à celle d'un pays qui tait son oppression est très bien rendu. On sent que les non-dits familiaux, la terreur du père devenu fou font écho à un malaise national extrêmement douloureux. Et en cela, la fin du film (que je ne dévoilerai pas, rassurez-vous) nous montre combien ces années d'horreur sourdes on pu en enfanter d'autres...





mardi 7 avril 2015

Le baroque et la barrique (Les hallucinations collectives)


Oui, je fais les choses dans le désordre. Mais je vais vous parler aujourd'hui de ma dernière journée au festival Hallucinations collectives qui m'a permis une nouvelle fois, de découvrir pléthore de films très bons. Cette année, j'avoue m'être pas mal concentrée sur les avant-première, ce qui fait que je vais laisser quelques chroniques de côté en attendant la sortie française des films, mais en attendant, j'ai encore un peu de temps pour vous parler des films qui ne seront pas distribués en salles.

Du coup, je vous parle ici de deux films, qui m'ont fait passé une journée vraiment hallucinée en Asie, pour le meilleur, mais je dois bien l'avouer en ce qui me concerne, aussi pour le pire...

I, S. Shankar



J'avoue qu'en cuisine, comme au cinéma, j'aime beaucoup le Masala, mais surtout à la maison. En cuisine, parce que j'adore cuisiner avec ces délicieux mélanges, en cinéma, parce que ce genre baroque à souhait de Bollywood, qui mixent les genres comme les épices et peut être très roboratif (souvent plus de 3h) nécessite souvent qu'on puisse le mettre sur pause, ne serait-ce que pour boire un lassi ou manger un loukoum... C'est vrai que pour moi, c'est souvent le plaisir excessif d'un dimanche après-midi pluvieux, qui ne demande que des couleurs et de la guimauve, des chansons, des bastons incroyables, des héros à moustaches et des héroïnes à longs cheveux ventilés, et du product placement à outrance.

Du coup, même si j'avais très envie de découvrir I, le dernier grand Masala de S. Shankar, l'idée de le voir enfermée dans une salle pendant 3h, sans pause pipi-thé-chocolat (c'est Pâques, quand même!), avec un risque de torticoli aigu me freinait un peu. Mais ma gourmandise, comme souvent, a eu raison de moi, et je me attablée à ce véritable festin de masala.

Grand bien m'en a pris, parce qu'en plus d'être sucré, salé, épicé, voir parfois brûlant, ce film n'a en aucun cas été indigeste. Je n'ai pas vu le temps passer (mes cervicales, par contre, l'ont bien senti), et j'ai été happée par ce film qui s'il s'inscrit clairement dans la veine du Masala, n'hésite pas à sortir des sentiers battus en étant parfois très audacieux et en tirant sans vergogne vers l'horreur, le thriller et le fantastique.




Comme vous l'imaginez, un film pareil est impossible à résumer. Je vais donc essayer de vous en faire un petit teaser.  Lingesan est un culturiste un peu lourdingue qui rêve de devenir Mister India. Il rêve aussi de rencontrer la belle Diya, mannequin superstar. Mais le jour où la carrière de Diya est mise à mal suite à une sombre histoire de harcèlement sexuel, la vie de Lingesan va changer...



Alors voilà, tous les ingrédients qu'on aime du Masala sont là. Y'a des chansons, y'a de la dance (même si il faut bien l'avouer, Amy Jackson est toute mignonne, mais niveau bootyshaking, on est plus proche du balai à frange que de Katrina Kaif), y'a des couleur over saturées (que tes yeux ils saignent devant un champ de coquelicots), y'a une histoire d'amour impossible entre un type un peu bêta et une belle jeune femme que sa mère veut marier à tout prix (oui, dans les films de Bollywood, il est très fréquent que les mères tombent gravement malades si leur progéniture ne se marie pas), y'a du dodelinage de tête, du comique slapstickesque, des bastons ultra impressionnantes où le héros affronte à lui seul une armée, y'a des méchants très méchants, des gentils très gentils. Y'a de la trahison et des quiproquos. Y'a du placement de produits tous les deux plans: comme cela se passe dans le monde du mannequinat, en plus, on peut s'en donner à cœur joie avec facilement 2 minutes de pubs réelles au milieu du film (mais bon, un film avec un tel budget, ça se finance, non?)



C'est un grand spectacle et au niveau réalisation, effet spéciaux et maquillage, ce film n'a rien à envier à n'importe quel film grand spectacle. Je pense qu'Eric Besson pourrait facilement être jaloux comme un pou d'une scène de poursuite en bmx sur des toits en chine (ouais, des bmx sur des toits, franchement, vous avez plus cool comme idée?), que les scènes de bastons seraient pas complètement nazes à côté de celles de Hong Kong, que la structure en flashback fonctionnerait très bien pour n'importe quel thriller. La différence, c'est juste qu'on pousse le toner à fond, et qu'on n'hésite pas à en faire trop (parce que refaire ses lacets en trois mouvements de chevilles, y'a qu'à Bollywood qu'on peut se le permettre). Bref, tout est over-the-top et c'est tout ce qu'on demande à un Masala.

Mais comme le too much, pour I, ça reste pas assez, alors on n'hésite pas à aller dans la transgression des codes et c'est en ça que ce film, en plus de m'avoir beaucoup divertie, m'a également étonnée. Pour comprendre combien le film va loin, il faut se souvenir que c'est un film indien et que souvent, il y a une sorte d'autocensure très forte dans ce pays au niveau de la violence et du sexe. Pendant très longtemps, on n'a même pas vu de baisers sur les écrans indiens.



Et ben là, on peut dire que le film ose beaucoup de choses, surtout si l'on s'intéresse aux derniers évènements qui ont secoué le pays. Très fréquemment, la violence sexuelle des hommes sur les femmes est mise en avant. Diya est une top model, mais son partenaire au travail la harcèle sans relâche pour qu'elle étende ce partenariat en dehors du domaine professionnel. Ben ça a l'air de rien, mais montrer une fille dont le métier est d'être aguichante et sexy et rendre coupable et assez dégoûtante la pression sexuelle qui est exercée sur elle, sans juger la demoiselle sur cet aspect de sa personnalité, c'est sacrément culotté. D'autant plus que cette demoiselle finira par vivre avec l'homme qu'elle aime et prendre des bains avec lui SANS être mariée. Et si là on n'est pas dans la subversion, je sais pas où on est... Ajoutons à cela un personnage transgenre qui, s'il n'est pas bien traité, est le seul méchant qui ait de véritables sentiments, un pédophile qui rêve d'épouser une fille depuis ses 10 ans et réellement montré comme un gros dégueulasse, une violence parfois extrème, une dénonciation de la dictature de la beauté. Ce film est finalement beaucoup plus "coup-de-poing" qu'il ne le laisse paraître et vu ses records de fréquentations en Inde, ça n'augure que du bon pour ce que ce cinéma nous réserve pour les prochaines années...


Vous aurez donc compris que je vous conseille vivement ce film baroque si vous arrivez à tomber dessus. Son circuit de distribution en salle a été très confidentiel (1 salle en France), mais je pense que d'ici quelques mois, il sera peut être possible de le voir en DVD (au pire, y'a toujours les boutiques spécialisées qui proposeront des imports en VOST Anglais). A tenter si vous n'avez jamais vu de Masala, avec les recommandations d'usage (attention, c'est long, c'est excessif, c'est complètement dingue). A voir absolument si vous aimez ça.


Tokyo Tribe, Shion Sono



La promesse du film était belle: une comédie musicale hip hop revisitant Romeo et Juliette en pleine guerre des gangs tokyoïte. La bande-annonce était punchy et foisonnante. J'étais très excitée à l'idée de voir ce film.

Déception totale. Je vais être très rapide, parce que le film ne sera pas distribué dans les salles et ne sortira en DVD qu'à la fin de l'année. Pas besoin donc de charger la mule.

Je ne sais même pas par où commencer... Déjà, pas de scénario: aucun personnage intéressant, un héros totalement insipide, des éléments scénaristiques qui apparaissent et disparaissent sans qu'on sache pourquoi (par exemple, on apprend que l'héroïne est la fille d'un  grand prêtre sataniste qui veut la sacrifier... Gros danger en vue. Ben finalement, non! Le danger, comme le personnage de super boss des méchants sont complètement oubliés....), pas d'enjeux, pas d'intérêt au niveau de l'histoire. Ca commence mal.


On passe aux acteurs. Les méchants sur-surjouent, (genre le susnommé I paraît un summum de la subtilité à côté). C'est complètement hystérique, contrairement au jeu des rappeurs qui lui, est inexistant.

C'est dommage, parce qu'on a l'impression que ce film n'a été fait que pour eux. J'en veux pour preuve la scène d'exposition la plus longue de l'histoire du cinéma, où ils se présentent tous. On a d'ailleurs l'impression que pour temporiser les susceptibilités, on a essayé de donner autant de présence à l'écran de chaque protagoniste pour un ego trip en bonne et due forme. Du coup, on se retrouve face à un film qui a un vrai problème de rythme, un vrai comble pour un film où la musique est incessante.



Le montage? Une blague! Le moindre clipeur (puisque ce film n'est qu'un clip de 2h) sait faire une post synchro au moins correcte. Là, non! Les décors? Hideux, surchargés, on se croirait sur la scène d'une comédie musicale de bas étage. Même musicalement, à quelques exceptions près, c'est pas terrible. L'humour est si grossier et débile que t'as envie de comparer American Pie à Citizen Kane.

Le seul truc à sauver, pour moi: les bastons. Elles sont belles, bien filmées, bien chorégraphiées, bien interprétées. Mention spéciale à Nana Seino et à son jeune acolyte (pas trouvé son nom, désolée) qui sont non seulement les comédiens les plus crédibles du cast, mais qui envoient de la buchette en kung fu. Y'a un peu trop de flashage de petite culotte à mon goût, mais ça reste très honorable.



Si je dois résumer mon état à la sortie du film, ce serait ça:




Une déception sur cette fin de festival. Un peu dommage, parce que j'ai quand même passé un week-end assez exceptionnel aux Hallu. Je vous en dis plus très vite...


vendredi 3 avril 2015

Spring, je l'aime ou mourir? (Hallucinations collectives)

Premier post suite à une séance des Hallucinations collectives (tu sais pas ce que c'est, vois ici). Oui, je sais, si j'étais une blogueuse ciné sérieuse, j'attendrai la sortie du film en salles pour vous ressortir cet article. Mais voyez-vous, chers amis, ce qu'il y a de formidable avec ce festival mais aussi de très triste pour ceux qui ne peuvent y assister, c'est qu'il n'hésite pas à nous faire découvrir des films aux circuits de distribution malaisés.



C'est le cas de ce film, Spring, de Justin Benson et Aaron Moorhead . Bien que les deux réalisateurs aient été sélectionnés par Variety comme parmi les 10 à suivre de très près, il n'a bénéficié que d'une distribution assez confidentielle aux Etats-Unis et n'a pour l'instant pas de distribution en France, que ce soit en salle ou sur support DVD. Pour moi, on n'est pas loin de la tragédie parce qu'un film pareil, au milieu des vessies qu'on essaie de nous faire prendre pour des lanternes, ça ferait un bien fou.



Vous l'aurez donc compris, j'ai adoré ce film romantique et fantastique. Du romantisme aux Hallus? Et bien oui, on peut aimer l'horreur et le fantastique et avoir un petit cœur tendre qui ne demande que des bisous à paillettes... Et là , laissez-moi vous dire qu'en termes d'histoire d'amour, ça faisait bien longtemps que je n'en avais pas vue d'aussi belle. Et le fait qu'elle se déploie dans cet univers bien particulier ne fait que la rendre encore plus forte.

L'histoire, c'est celle d'Evan, un jeune américain. Il a quitté ses études pour s'occuper de sa mère qui a un cancer. Le soir de son enterrement, il se bat violemment avec un client du bar dans lequel il travaille et décide de prendre son sac à dos pour rejoindre l'Italie. Il passe par Rome puis arrive dans une petite ville balnéaire splendide. Il y rencontre LA femme. Mais LA femme cache un secret très troublant...



Le film commence avec une scène qui touche tout de suite au cœur, celle de la mort de la mère d'Evan. Dès cette scène, on sait qu'on va passer un bon moment, parce que tout est déjà là. Une lumière et un cadre très maîtrisée, une caméra à la fois intime et fuyante, une réalisation déjà impressionnante dans cet espace confiné et étouffant. Le ton est donné aussi, on est tout de suite plongé dans une émotion intense, juste, qui ne se départ pas pour autant d'un humour qui restera constant tout au long du film. Des dialogues sont à la fois justes et originaux, drôles et poignants. Et puis, en quelques secondes de présence dans le cadre, on découvre que un héros qu'on va avoir envie de suivre, parfaitement interprété par Lou Taylor Pucci : un jeune homme tout en douceur et colère rentrée contre l'injustice qui le frappe, intelligent et lucide et d'une beauté incroyable. Ce mec attire à lui la caméra et on n'a plus envie de le lâcher.

Mais tout va s'intensifier quand il va nous embarquer en Italie. Aaron Moorhead, qui est également chef op, sait particulièrement bien filmer les lieux splendides de l'action: les plantations d'oliviers survolés par des drones, la mer qui vient s'échouer dans une crique, un village perché aux petites rues tortueuses, un horizon qui s'étend lors d'un voyage en voiture. Et puis, surtout, il y a cette scène, la scène qui m'a fait tomber amoureuse de ce film, la scène qui manquait aux histoires d'amour de cette dernière décennie, la scène qui a fait fondre mon petit cœur de midinette: la scène de rencontre la plus belle que j'ai vue depuis très très longtemps.

Une caméra presque flottante suit Evan dans la jolie petite ville bolognaise où il vient d'entrer. Avec lui, elle parcourt du regard la petite place ensoleillée, les rues qui en partent plongées dans la pénombre, le tout au ralenti. Quand apparaît, comme par magie (je mettrai ma main à couper qu'elle n'était pas là avant dans le plan), une splendide  jeune femme assise au bord de la fontaine de la place. Elle se lève, échange un regard et un sourire avec Evan, qui se retourne. Et voilà: tout est là. Le vrai coup de foudre dans tout ce qu'il a de magique, de fantastique et d'un peu effrayant.

L'histoire d'amour est magnifique, très bien écrite, et la partie fantastique est très bien tenue: malgré le petit budget, les maquillages et les effets spéciaux sont formidables, et l'atmosphère à la fois étrange et intime du film fonctionne à merveille. Notamment grâce à la mise en scène, qui sait dénicher dans la nature italienne des éléments étranges et inquiétants, nous rappelant que la terre elle-même sait engendrer la monstruosité et la fascination sans avoir recours à de quelconques pratiques occultes...



Et puis il y a ce merveilleux couple. Parce que oui, Lou Taylor Pucci est un excellent acteur, et beau et attendrissant. Mais que dire alors de Nadia Hilker, qui est à la fois crédible en bombasse et en scientifique, qui a une voix un peu rauque à faire chavirer tous les adorateurs de Claudia Cardinal, qui sait porter à la fois mystère et vulnérabilité, force et humour?... Si cette nénette là ne devient pas une immense star, je ne comprends pas, c'est qu'il y a quelque chose de pourri au royaume d'Hollywood. Bref, ce couple est magique, on tombe fou amoureux d'eux et de leur histoire vieille comme le monde en quelques secondes et en ce qui me concerne, j'ai toujours pas décroché.



Ce film est donc pour moi une immense réussite, et je comprends qu'on lui ait remis plusieurs prix et qu'il ait eu plutôt de bons chiffres d'entrée, malgré leur petit circuit de distribution aux Etats Unis. Mais j'avoue qu'encore une fois, ça me mine un peu de voir qu'il n'est même pas distribué par nos contrées alors qu'il a été tourné en Europe et qu'il mérite amplement le détour.

Spring vaut largement qu'on s'intéresse à lui et je suis très déçue de ne pas pouvoir vous encourager à le découvrir en salle ou sur DVD. Mais si vous avez la possibilité d'y accéder, d'une manière ou d'une autre, n'hésitez pas, on ne doit jamais passer à côté d'une belle histoire d'amour...