pelloche

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jeudi 29 janvier 2015

Séances de rattrapage: Le pire



Ce week-end, grâce au festival d'un magazine bien connu, j'en ai profité pour voir deux films que j'avais raté cette année. Petite séance de rattrapage, donc, pour le meilleur et pour le pire. On commence aujourd'hui par le pire.
 
Mommy, Xavier Dolan
 
Quand il est sorti, je ne savais pas trop pourquoi, mais je n'avais pas plus que ça envie d'aller voir ce film, surtout c'était à une période où d'autres films me bottaient plus. Mais j'en ai tellement entendu (et lu) parler, par des gens de confiance qui plus est, que je me suis dit que c'était trop bête de passer à côté.

 
 
Alors, chers amis fans du film, vous resterez quand même mes amis, mais sur ce coup-là, je vous conseille d'arrêter tout de suite de lire cette chronique et d'attendre celle que je consacrerai à Dans la cour, d'ici quelques jours, parce que vous risquez de me détester d'ici quelques instants. En gros, je vais pas être tendre du tout avec ce film, d'abord parce que plein de gens ont été très gentils avec (un avis contraire, des fois, ça fait du bien), mais surtout parce que comme tous les films qui m'énervent foncièrement, il avait tout de même des qualités à mon avis complètement gâchées. Je vous l'avais déjà dit concernant Interstellar, pour moi, ce qu'il peut y avoir de pire qu'un mauvais film, c'est un film décevant.
 
Et là, je suis tombée de très haut puisque j'ai eu deux réactions assez particulières:
- Pas une seule larme. Oui, moi, la Madeleine des salles obscures, qui ait chialé devant 75% des films vus en salle cette année, je suis restée sèche comme une biscotte au sable devant Mommy. J'ai failli aller voir mon ophtalmo.
- Une irritation progressive qui a fait que j'ai fui la salle dès le début du générique de fin que je suis d'habitude jusqu'au bout, au moins pour connaître les titres des morceaux utilisés, mais là, y'avait pas besoin.
 
Pourquoi tant de haine, me direz vous? Pour deux raisons: l'écriture du scénario et surtout, surtout, la mise en scène que j'ai trouvée subtile comme un morceau de Motley Crüe.

 
Je m'explique. En ce qui concerne l'écriture, j'ai tout d'abord eu un problème avec la vraisemblance. Je suis désolée, mais je n'ai cru ni aux personnages, ni aux situations. Un gamin vole un caddie entier de bouffe et s'amuse sur le parking du même supermarché, sans que rien ne se remarque? La rédaction du courrier des cœurs est un job à plein temps (C'est où? Je postule!)? A Montréal, il y a une véritable pénurie de traducteurs français/anglais, au point qu'on soit obligé de faire appel à quelqu'un qui ne peut traduire un bouquin pour enfants sans son Harraps? Sérieux??? Une femme qui a eu un passé très bon chic bon genre se retrouve soudainement à mâcher ostensiblement du chewing-gum, en fumant clope sur clope, en pulvérisant du Wizzard à la gueule des gens (Ben oui, ma bonne dame, c'est ça le prolétariat!)? Dans un futur proche, les ados écouteront Eiffel 66 à fond les ballons? Non, vraiment, je pouvais pas.


 
Quant aux autres failles du scénario, elles sont nombreuses: la fin annoncée dès le panneau du début, dont l'argument n'est jamais réutilisé... avant la fin (Quel suspens haletant), une succession de scènes à forte tendance émotionnelle, sans réel retour au calme, phénomène TRES accentué par la mise en scène.
 
La mise en scène, parlons-en, me dire qu'on a simplement hésité avec le parfait Foxcatcher à Cannes pour le prix la célébrant me rend juste complètement dingue. Et si je n'ai pas vu le Godard, le fait qu'il ait partagé avec lui le prix du jury, j'ai du mal à le comprendre. Pour moi, j'ai vu ici une des mises en scène les plus maladroites depuis bien longtemps, pleine de tics arty, de mauvais goût et surtout, d'un truc que je déteste: la sur-signification.
 
Mais c'est quoi donc la sur-signification?

C'est quand un auteur (ça marche aussi pour les livres, la musique, ou toute œuvre artistique) te prend pour un débile et se sent obligé de tout t'expliquer. Les personnages réagissent à une situation? T'inquiète, ils vont bien prendre le temps de t'expliquer pourquoi ils le font. Une métaphore? Rhalala, et si tu étais trop stupide pour la comprendre? Heureusement, la sursignification est là pour que tu ne passes pas à côté de cette image métaphorique qui vise à désigner quelque chose par autre chose (moi aussi je peux être redondante si je veux).

Un exemple: Un jeune homme avance sur un vélo, en plein milieu d'une rue, bloquant une file de voiture derrière. Aie, difficile de deviner la métaphore, là, comme ça... Indice supplémentaire: il a les bras en croix et la tête rejetée en arrière. T'as toujours pas compris? Y'a de la musique hyper lyrique. Ah mince, tu bloques toujours? Et si le personnage se met à hurler de manière répétitive "Liberté", tu comprends la nuance? Et puis tiens, on aura qu'à utiliser un changement de format si ça suffit pas.
Quant au fameux "On ne change pas" qui passe au moment du film où tout semble prendre une tournure plus heureuse? Mais qu'est-ce que ça peut bien présager? Mystère....
Bref, les gros sabots, c'est pas mon truc, j'aime bien qu'un réalisateur ait un minimum confiance en mon intelligence.



D'autres points faibles: la sur-utilisation de la musique, qui en plus de ça, n'est pas toujours très agréable, alliée à des gueulantes incessantes: chez Dolan, on ne rit pas, on éclate de rire et on a les larmes aux yeux, on ne s'engueule pas: on se fout sur la gueule en hurlant des insanités. Au bout d'un moment, on a juste envie d'avoir un peu de silence. J'ajoute le flash-forward révoltant qui est une totale resucée de la dernière scène de Six feet Under, l'émotion en moins, le formidable "mais tout ceci n'était qu'un rêve" en plus. Et puis j'en remets une couche avec le montage alterné "évolution positive des personnages" digne de Team America. Bref, de quoi me faire grincer des dents pendant plus de 2h.


 
Et malgré cela, il y a des trucs à souligner: des acteurs très bons, hyper impliqués, qui sont les seuls qui puissent nous faire croire à tout ça. Il sont tous les trois fabuleux et s'il y a un prix que le film méritait à Cannes, c'est celui de l'interprétation. On a beaucoup parlé d'Anne Dorval qui est effectivement parfaite dans ce rôle de mère dépassée par les revirements de caractère de son fils, et une situation économique pas très joyeuse. Même si j'ai trouvé le personnage peu crédible et très caricatural, Anne Dorval arrive à insuffler une véritable énergie à celui-ci. Elle est impliquée jusqu'au bout de son nail art et n'hésite pas à donner beaucoup de sa personne. Mais personnellement, j'ai été bluffée par le jeune Antoine-Olivier Pilon, sosie de Macaulay Culkin (la référence à Maman j'ai raté l'avion a d'ailleurs été un de mes moments préférés du film) qui tient un rôle assez compliqué sur ses épaules. Il est tête à claques à souhait, mais arrive tout de même à donner beaucoup de tendresse et d'humanité à ce personnage qui est, en plus, le mieux écrit du film. Le petit génie de l'affaire, je le vois ici, dans ce gamin perdu qui a du mal à contrôler toutes les émotions qui l'assaillent. Quant à Suzanne Clément, je l'ai trouvée excellente dans ce rôle de femme brisée qui retrouve une raison de vivre en se liguant à ces deux largués, même si le rôle en lui-même manque encore, à mon avis, de nuances.

Et puis, ce qui m'énerve le plus avec Xavier Dolan, c'est que sa mise en scène heavy met en péril ses images. Parce qu'il n'y a pas dire, ce mec sait tenir une caméra, il sait construire un cadre, y placer ses personnages au mieux. Il y a une véritable maîtrise photographique et un potentiel de malade. La lumière est juste divine. Le premier plan sur Anne Dorval, c'est une magnifique déclaration d'amour. Mais qui veut trop embrasser, mal étreint...

En résumé, pour moi, Xavier Dolan devrait se mettre à la musique, la vraie, ou regarder 20 000 days on earth et ce pour plusieurs raisons:

- Déjà, ça lui éviterait de nous faire subir, à l'avenir, la super compil des pires titres des années 90 qu'on n'ose même pas aux mariages (en même temps, il a débuté avec un clip d'Indochine...).
- Ca lui permettrait de comprendre que le Fortissimo, ça ne marche vraiment que si il est mis en contraste avec du Piano. Si on a que du Fortissimo tout le temps... ça donne du Mötley Crue.
- Ca lui permettrait de voir que parfois, il vaut mieux se faire bien accompagner que tout vouloir faire tout seul. Il a déjà trouvé ses acteurs. A mon avis, il devrait travailler avec un co-scénariste, il pourrait avoir plus d'assise sur les personnages et avec les acteurs de dingue dont il bénéficie, le résultat serait magnifique.
- Le démonstratif et la virtuosité c'est bien, mais franchement, qu'est-ce qu'on préfère écouter? un solo avec plein de notes ou un beau morceau patiemment composé, équilibré et harmonieux? Perso, j'ai toujours préféré la (fausse) facilité d'un concerto de Mozart aux dissonnances audacieuses d'un opéra de Richard Strauss. Tout comme j'ai toujours été plus partisane d'une mise en scène classique et bien foutue d'un Clint Eastwood que de celle, plus révolutionnaire et tape-à-l'œil d'un Oliver Stone.

Mais ça, ça ne reste que mon avis... Allez, ne vous inquiétez pas, on reparle très vite d'un coup de cœur et je vais être plus sympa...

 

mardi 27 janvier 2015

My Palm Spring


 
 

 
Bon, je comprend, vous en avez peut être un peu raz-le-pompom que je vous parle de ce film, mais bon, cette fois, c'est pour un projet couture, alors on va dire que ça compte pas, hein?
 
Donc voilà, si vous me lisez souvent, vous êtes sûrement au courant que j'ai adoré le film Tristesse Club (qui est sorti en DVD, je dis ça, je dis rien...). Et y'a un truc dont j'ai pas parlé et qui m'a titillé pendant des mois: le chemisier à palmiers de Ludivine Sagnier. Et là, je me suis dit, il me faut des palmiers. C'est vrai quoi, j'ai des pois, j'ai des fleurs, j'ai des oiseaux, j'ai des rayures, j'ai des carreaux, j'ai des singes, j'ai des motifs géométriques, mais il me manquait les palmiers.
Du coup, je suis allée faire un tour au marché que m'a conseillé La miss Kikou, que je ne remercierais jamais assez pour ce super tip. Et mon sang n'a fait qu'un tour lorsque j'ai dégotté ce tissu, probablement d'ameublement, mais qui coûtait queud' sur un stand. Je n'ai d'ailleurs pas été la seule, puisque la miss Kikou elle-même a craqué dessus et s'est fait une très chouette veste Chloé, ce qui m'a, comme de par hasard, aussi traversé l'esprit.
Le tissu est en effet assez fin, et convient plutôt pour un manteau de mi-saison, mais je ne sais pas pourquoi, je ne voulais pas des manches 3/4 de l'affaire et je préférais une doublure (ouais, pourquoi faire simple quand on peut se prendre le chou?). Et puis, comme le tissu coûtait une misère (genre 1 euro le mètre, sans dec, j'aurais dû en prendre 12 m), ça me permettait de faire un essai pour pas trop cher sur un manteau.
 
J'ai donc jeté mon dévolu sur un modèle Burda, un manteau bi matière (dans notre cas précis, unimatière), dans le Burda "couture facile" (tu les vois mes guillemets) de cet automne.
 
Alors voilà, c'était mon premier Burda. Et ben, j'avoue que ça a pas été simple. Je sais pas si c'est la traduction de l'Allemand qui fait ça, mais j'avais du mal à comprendre les explications. En fait, j'avais déjà du mal à comprendre les phrases, ne serait-ce que dans leur structure.  J'imagine que c'est une habitude à prendre, mais j'aurai peut être dû commencer par un projet plus facile avec Burda.
Résultat: 3 mois sur mon manteau, dont facile 2 à décoder l'énigme de l'explication burdesque. Alan Turing, à côté de moi, c'est un petit rigolo (dans les dents, Benedict!). Bref, j'ai fini par le faire, et mis à part des erreurs débiles, je suis plutôt contente du résultat.
 
 
- Erreur n°1: coudre les zips dans le mauvais sens.
Oui, une vraie erreur de bêtasse, j'ai cousu mes zips dans le sens inverse d'ouverture et de fermeture pour les poches. Du coup, je dois les ouvrir en les ramenant vers le centre et les fermer en les ramenant vers l'extérieur et non l'inverse. C'est pas très grave, mais c'est pas hyper pratique non plus.
- Erreur n°2: Ne pas vérifier la qualité de ses différents tissus.
Alors là, c'est l'erreur qui fait mal. Parce que tu te rends compte, mais un peu tard, que ton tissu de manteau a tendance à s'élargir un peu à l'usage et que ta doublure elle, ne bouge pas d'un poil. Du coup, vent de panique à l'assemblage des deux: t'es toute serrée dans ta doublure en bas, et ça fait une bosse disgracieuse à l'arrière. Envie de pleurer, de tout foutre à la poubelle, de voir un film de Luc Besson: bref, la déprime totale. Heureusement, j'ai pris mon courage à deux mains, et mes ciseaux dans la troisième et j'ai opéré une belle fente dans ma doublure, ce qui a permis de redonner au manteau la forme qu'il devait avoir, mais m'a obligé à sacrifier un peu de ce joli tissu rose...
 
Et tout ça, sans vous parler des galères d'épaisseurs qui rendent ma machine de débutante un peu tarée, des abus de découd-vite, et d'un effilochage intensif d'un tissu pas fait pour faire des fringues. Autant te dire que le raccord du motif, il est complètement passé à l'as (déjà, il aurait fallu que je comprenne exactement comment fonctionnait le motif, mais si tu te rapproches et que t'essaie de comprendre, ce tissu opère sur toi un effet hypnotique accompagné d'une migraine ophtalmique)
 
Mais, en partie pour tout ça, qu'est ce que je suis pas peu fière du résultat. Sérieusement, je l'ai mis dès qu'il a fait un peu beau. Et je me suis rendue compte qu'en plus de ça, j'étais pas la seule qui avait besoin de cocotier et de chaleur: une demoiselle m'a même arrêtée dans la rue pour me demander où on pouvait l'acheter. Et ça, c'est un peu comme l'obtention du bac: t'oublie les heures passées à t'arracher les cheveux, et t'as envie d'appeler tout de suite ta mère pour qu'elle te dise qu'elle est fière de toi, et de danser le twist en pleine rue. Bref, comme les palmiers, ça te donne des vacances ensoleillées en plein hiver.


 
PS: Maman, si tu lis ce post, oui je sais qu'on voit les pantoufles et le paquet de sucre sur les photos, oui j'aurais dû les ranger. J'essaierai de faire mieux la prochaine fois.




lundi 26 janvier 2015

Foxcatcher: le revers de la médaille



Fait pas chaud en ce moment. Le ciel est gris, l'atmosphère est humide et froide. On se sent glacé à l'intérieur. Alors c'est le bon moment pour aller voir Foxcatcher. Pas parce que vous allez tout de suite vous sentir mieux, vous lover dans ce film comme dans un pull angora. Nooooon, mes petits amis, mais parce que vous êtes dans l'ambiance idéale pour vous prendre de plein fouet la bourrasque de ce film, pesant (dans le bon sens du terme) comme les nuages qui nous bloquent la vue, glaçant comme la bruine qui s'épaissit autour de nous, et toujours prêt à basculer comme nos pieds sur le verglas... Alors préparez vos moufles et vos bonnets, et faites une petite cure de vitamine: Winter has come, et cette semaine, c'est avec ce film de Bennett Miller qu'il s'installe bel et bien.



L'histoire, aussi incroyable que réelle, c'est celle de deux frères lutteurs médaillés aux jeux Olympiques de Los Angeles en 1984, Dave et Mark Schultz. Et on parle de l'or, rien que ça. Dave, le plus vieux, ici interprété par Mark Ruffalo (hiiiiii), est déjà une star, il a son club, sa petite famille qu'il aime protéger et entraine deux fois par jour son jeune frère, Frank. Ce dernier (Channing Tatum) est lui aussi un champion mais son aura est quelque peu éclipsée par celle de son illustre frangin, qui est visiblement un génie technique du sport. Il habite seul, rêve de gloire patriotique et de devenir le meilleur. Ca tombe bien, c'est justement ce que lui propose John Du Pont (Steve Carrel, pas reconnaissable), de la famille Du Pont, un multimilliardaire fan de lutte qui a décidé de financer son entrainement, et celle de toute une équipe triée sur le volet pour les JO de Séoul. Le nom de l'équipe? Foxcatcher, le même nom d'équipe qu'utilise sa reine mère (Vanessa Redgrave) pour les canassons qu'elle monte pour la chasse à cours... Vous commencez à la sentir l'ambiance pas super cool???



Parce que oui, il se trouve que John Du Pont est un type assez étrange qui a un rapport particulier avec sa môman, et dont le seul ami, enfant, était payé pour l'être. Il rêve lui aussi d'une chose, être un mentor, un type prêt à inspirer la réussite et à amener l'Amérique (rien que ça) à la gloire internationale qu'elle mérite. Et lui, il a les moyens de vivre ses passions (les trains électriques, l'ornithologie, la philatélie, les armes, la lutte) à grande échelle... Quant à Frank, c'est un gamin un peu perdu, prêt à être influencé par quiconque voudra bien croire un peu en lui, parce que lui-même en est incapable. Tout pour réussir une relation saine et enrichissante entre deux personnes, non?

Vous l'aurez donc compris, le rêve va tourner sournoisement au cauchemar, et un jeu de domination et de massacre va bientôt prendre place.


Autant vous le dire tout de suite, j'ai passé la séance entière bouche bée, les mains cramponnées à mes accoudoirs. Ce film est une réussite absolue. D'abord parce que la mise en scène est simplement parfaite. Tout est fait pour que l'on ressente l'atmosphère pesante, froide et viciée de cette histoire. Le domaine des Du Pont est vite filmé comme un lieu clos, hors du monde, une prison dorée en dehors de la réalité. Les espaces sont à la fois chargés et vides, on y ressent l'opulence alliée à la profonde solitude. Et vindiou, moi qui suis pas très sport, ces derniers temps, je vois au cinéma parmi les plus grandes scènes du genre. Ici, la première scène d'entrainement entre Dave et Mark est un coup de Maître. On y voit toute la vélocité, la technicité et la beauté de ce sport que personnellement, je ne soupçonnait pas. Mais surtout, en début de film, cette scène pose magnifiquement les personnages: la compétition sourde entre les deux, la frustration du plus jeune, la protection compréhensive du plus vieux, tout est déjà là, sans aucun mot, dans la confrontation de ces deux corps si différents.



Son prix de la mise en scène à Cannes, Miller ne l'a franchement pas volé, même si je suis déçue qu'il ait eu à la partager avec Xavier Dolan (mais ça, on en parle très bientôt): elle est subtile, entièrement maîtrisée, très intelligente et ne fait aucun cadeau au spectateur: pas un seul creux, pas un relâchement de la tension, un film retenu par des rennes de monteur prodigieux, qui ne sont lâchés qu'au moment opportun. Et surtout, Miller nous fait confiance: il croit à notre intelligence et à notre exigence, ne nous ménage jamais et, sans tape à l'œil ni fausse note, nous entraîne avec ses personnages dans cette spirale des plus inquiétante.



Le scénario, lui aussi, écrit à deux mains par E. Max Frye et Dan Futterman (qui avait déjà travaillé sur Truman, le précédent film de Bennett Miller), est une perle. Je salue notamment une écriture des personnages au poil, d'une précision chirurgicale et d'une humanité désarmante. On est obligé de croire à ses personnages. Bon vous me direz, ils ont existé, c'est facile. Mais là où il font un travail de titan c'est qu'aucun d'eux, à part peut être celui interprété par Mark Ruffalo (hiiiiiii) n'est tout à fait sympathique. Pourtant, on ne peut s'empêcher de ressentir une véritable compassion pour eux, ce qui est un tour de force quand on aborde John Du Pont, qui est peut-être le personnage qui m'a fait le plus froid dans le dos depuis Norman Bates.

Sans compter que l'interprétation des acteurs est sans faille. Channing Tatum, mâchoire inférieure en avant, tête enfoncée dans les épaules fait de Mark Schultz un gorille effrayé, une proie à la carrure de monstre... Mark Ruffalo (hiiiiiii) amène toute son humanité à un personnage qui n'a qu'un seul objectif: le bonheur de sa famille, parfois au prix de son intégrité (la scène d'interview légèrement orientée est incroyable de justesse). Enfin, Steve Carrel est simplement parfait: il est à la fois dérangeant, détestable, attendrissant parfois, slimy à souhait. Il donne des frissons de dégoût et, juste après, des remords. Je ne serais pas étonnée qu'il ramène bientôt une petite statuette dorée pour ajouter à sa salle des trophées...

Alors, bravez les éléments et allez voir ce film, ce serait trop bête de passer à côté de ce coup de blizzard flamboyant par simple peur d'un rhume...

PS: Je tiens à m'excuser, j'ai toujours une réaction hystérique lorsque j'évoque Mark Ruffalo (Hiiiii),
c'est plus fort que moi. Il a beau s'enlaidir comme pas possible dans ce film, ça continue de faire son effet...


jeudi 15 janvier 2015

Le 20 000ème jour, Nick créa...


A ce rythme-là, ce blog va bientôt être consacré à des films que vous n'aurez même plus la possibilité de voir en salles. Mea maxima culpa donc s'il est trop tard pour vous d'aller voir ce petit bijou de poésie, de musique et de cinéma, la faute à la période de l'année, la recrudescence de travail, ma légendaire paresse (c'est joli, "paresse", ça ressemble à "caresse", je préfère ça à l'hypocrite "procrastination") et au trainage de pieds lié aux récents évènement pas jouasses.



Il est des films, et 20 000 days on earth en fait partie, dont on sait d'avance qu'on ne sera jamais objective à leur propos. Mais bon, vous avez dû le remarquer, l'objectivité ,comme la délicatesse, est loin d'être ma principale qualité. Et puis là, à quoi bon? Parce que oui, je l'avoue, je l'assume, je le revendique: j'aime Nick Cave. J'aime sa voix grave et profonde, à la fois inquiétante et rassurante, suave et menaçante, sa présence incroyable de pasteur sataniste, sa croonitude terrible. J'aime le travail d'orfèvre de ses compositions, la délicatesse de certains morceaux, le fracas d'autres, la montée en puissance des instruments et des voix, les pianos mélancoliques et les guitares ébourriffantes. J'aime ses textes, sa manière incroyable de raconter des histoires qui font rire, qui font peur, qui font pleurer. J'aime la musique de ses mots, leur intelligence, leur précision, leur capacité à créer des images, leur beauté douce et cruelle. Bref, avec un a-priori pareil, il aurait vraiment fallu être de sacrés manches pour me décevoir avec un film sensé retracer la 20 000ème journée de l'immense artiste qu'est Nick Cave.




Du coup, Iain Forsyth et Jane Pollard auraient pu faire un banal film de fans, avec deux trois interviews, des archives, des répets et des extraits de concerts, comme ça se fait généralement, que j'aurai été satisfaite. Mais ils ne s'en sont pas contentés, et ont créé ainsi un film monstre, un rockumenteur (spéciale dédicace à David, s'il lit) puisque cette journée est fictive, un hymne à la musique et à la poésie, une rétrospective de la carrière de Nick Cave, une introspection de l'artiste , et surtout, surtout, le plus bel ouvrage que j'ai jamais vu sur le processus créatif.


Et ce monstre, Forsyth, Pollard et surtout Cave, qui a écrit une bonne partie du film, parviennent à le dompter avec brio, lui lâchant parfois la bride pour quelques envolées enflammées, notamment lors d'une captation de concert ahurissante. La caméra épouse parfaitement l'univers de Cave, sachant mettre en valeur la lumière si particulière du lourd ciel de Brighton, lieu de résidence et machine à rêve de l'artiste, évoquer avec mystère et pudeur les intérieurs intimes, que ce soit un canapé éclairé par l'écran de télévision qui diffuse Scarface pour le plus grand bonheur de ses garçons, ou dans la présence énigmatique de la belle Suzie Bick, à laquelle Cave consacre une déclamation d'amour à faire pâlir de jalousie toute les femmes de la terre.


On retrace toute la carrière de Nick Cave, sans même s'en rendre compte, partageant avec des amis de longue date ses réflexions sur la musique et la vie: une anecdote démente sur le chewing-gum de Nina Simone avec Warren Ellis, son rapport d'attraction/répulsion avec ses chansons en compagnie de Blixta Bargeld, l'épreuve de la scène avec Kylie Minogue...

 
Ce film, pour moi, c'est un peu l'équivalent filmique et musical des Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke. On y découvre et décortique le processus créatif, le créateur et ses relations à sa créations. On découvre avec émotion comment un père lisant la première page de Lolita peut vous donner envie de vous transformer, comment une histoire peut débuter en mettant un enfant et un tueur psychopathe dans une même pièce, comment une chanson n'est intéressante que tant qu'on ne la comprend pas, comment l'observation quotidienne du ciel peut mener à un album... Tout ça avec les mots de Nick Cave, soit des images d'une beauté fantastique, qui donnerait envie à quiconque de créer, aussi, un petit monde à soi. Dans son 20 000ème jour, Nick Cave a cessé d'être humain, il est devenu sa propre création.

Lentement, par petite touches, comme une de ses chansons, ce film m'a prise, m'a emportée sur des vagues d'abord tranquilles et douces, m'a envoyée voguer au fil des récits, puis m'a laissée secouée de sanglots sur la grève, sans que je ne sache vraiment comment j'y étais revenue, ayant "vu quelques fois ce que l'homme a cru voir".






mardi 6 janvier 2015

Un gilet à torsade comme...


Bien évidemment, en bonne tricoteuse que je suis, je suis une femme absolue des torsades, je les aime toutes, les grosses, les petites, les simples, les compliquées... Je les trouve belles, et c'est quand même plus kiffant à travailler que du point mousse...

En plus, c'est en ce moment super à la mode, et c'est une valeur sûre du cinéma.


L'Homme d'Aran, Robert J. Flaherty
A l'évidence, dans le beau documentaire L'homme d'Aran, où on les voit dans leur éléments d'origine, sur des bateaux de pêcheurs en Irlande...

En chantant en chœur dans Inside Llewyn Davis, des frangins Cohen...











Avec la mégaclasse sur Steve Mc Queen...















Ou avec cette superbe veste, sur le superbe Ethan Hawke dans Sinister...


Sinister, Scott Derrickson
 Du coup, quand j'ai découvert que Tomeke, de la Jueke box avait réalisé un magnifique patron de gilet à base de plein de magnifiques torsades, j'ai tout de suite levé la main pour le tester. Je voulais l'offrir à mon Frangin pour Noël. Le patron s'appelle An Eskevien et il est d'une beauté à couper le souffle.

J'ai donc choisi un beau bleu dans la Drop Alaska: 100% laine pour bien affronter l'hiver, mais qui gratte pas trop, parce que bon, y'a quand même un col châle.

Pour moi, ce patron a été un véritable coup de cœur: des explications hyper claires, des graphiques bien foutus, tout ce qu'il faut pour bien avancer.












Côté réalisation, pour moi, un modèle masculin, c'est toujours un peu l'horreur, parce que je suis d'une lenteur légendaire. Il m'a donc pris plus de 3 mois à faire, mais ça valait vraiment la peine, j'adore le résultat, et le frangin aussi! Et puis, grâce à l'imagination de Tomeke, on ne s'ennuie pas une seconde dans l'ouvrage, c'est l'éclate constante, pas de lassitude à l'horizon...















Seul bémol pour mon modèle: mes épaules étaient un peu larges et tombaient un peu, j'ai donc redressé tout ça à la couture (bon, ok, c'est pas hyper pro, mais comme le bellâtre n'était pas longtemps dans les parages, j'ai dû faire fissa). Pour tout le reste, c'est une belle réussite que ce gilet, bravo Tomeke!

Comme il me restait un peu de laine, j'en ai profité pour ajouter au paquet un bonnet tout simple, mais plutôt sympa, que vous trouverez facilement sur Ravelry, le Traveler's hat, de Sue Jackson, un bonnet, vite fait, bien fait, un peu slouchy, un peu hipster, le complément idéal du gilet.

Oh et puis, comme c'est d'actualité, je vous souhaite une très belle année 2015, pleine de films et de fils...